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— Oui, oui, je vois ce que c’est ! vous êtes amoureux, jeune homme.

— Entendez-vous, Corny ? C’est prodigieux tout ce que ces créatures-là savent. — J’admets pour vrai ce que vous dites ; mais faites-moi le portrait de la dame que j’aime.

Guert n’avait pas fait attention que se servir du mot dame, c’était trahir son incognito ; puisqu’un homme qui eût été vraiment de la condition que son accoutrement annonçait ne se serait pas servi d’une expression semblable en parlant de sa maîtresse. Mais il n’était impossible de le mettre sur ses gardes ; car alors mon compagnon était trop préoccupé pour entendre la raison.

— La dame que vous aimez, répondit la sorcière avec assurance et du ton d’une femme qui est sûre de ce qu’elle dit, est très-jolie, pour commencer.

— C’est vrai comme la lumière du soleil, la mère.

— Ensuite elle est vertueuse, aimable, sage, bonne et spirituelle.

— Ce sont des paroles d’Évangile ! — En vérité, Corny, voilà qui passe toute croyance.

— Puis, elle est jeune. Oui, elle est jeune, belle et bonne, trois choses qui font qu’elle est très courtisée.

— Pourquoi est-elle si longtemps à réfléchir avant de se prononcer, ma bonne ? dites-moi cela, de grâce. Consentira-t-elle jamais à me donner sa main ?

— Je vois, je vois ! Tout cela est ici sur les cartes. La dame ne peut se décider.

— Vous entendez, Corny ! venez donc me dire à présent que ce sont des balivernes. — Mais pourquoi ne peut-elle se décider ? C’est le pourquoi que je voudrais savoir. Un homme peut se lasser de demander la main même d’un ange, sans jamais recevoir de réponse. Au nom du ciel, dites-moi la cause de son indécision ?

— Il n’est pas facile de lire dans l’esprit d’une femme. Il en est qui sont pressées, d’autres qui ne le sont pas. Il me paraît que vous voulez recevoir une réponse avant que la dame soit