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et mon grand-père allassent à New-York, à moins que leurs fonctions législatives ne les y appelassent. Les visites de ma mère étaient encore moins fréquentes, quoique mistress Legge fût sa propre sœur. M. Legge était un avocat renommé, mais il inclinait vers l’opposition, et il ne pouvait y avoir beaucoup de sympathie entre une personne de cette opinion et notre famille. À peine étions-nous arrivés qu’il s’engagea une vive discussion entre mon père et mon oncle sur la question de savoir jusqu’où allait le droit de contrôler les actes du gouvernement. Il paraît qu’il s’était formé dans la ville un parti qui avait la prétention de se faire rendre compte de l’emploi de toutes les taxes jusqu’au dernier schelling. Cette intervention, tout à fait déplacée dans des affaires qui ne les concernaient pas, réclamée par les gouvernés, était repoussée avec énergie par les gouvernants, qui prétendaient que ce serait entraver la marche régulière de l’administration. Mon père soutenait la cause du pouvoir, mon oncle celle du peuple ; on s’animait de plus en plus, et je me souviens que ma pauvre tante paraissait au supplice, et qu’elle chercha à faire prendre un autre tour à la conversation.

— Je suis charmée, dit-elle, que Corny soit arrive dans ce moment, car demain est un grand jour de fête pour les nègres et pour les enfants.

Je ne m’offensais pas le moins du monde d’être rangé avec les nègres ; car ils prenaient part à presque tous les amusements des jeunes gens de notre âge ; mais je fus un peu piqué de me voir confondu avec les enfants, moi qui venais d’avoir quatorze ans et qui allais entrer au collège. Néanmoins je n’en laissai rien voir, et j’avoue même que j’étais assez curieux de savoir quelle était cette grande fête qui se préparait. Mon père se chargea d’en demander l’explication à ma tante.

— Un bâtiment a apporté ce matin la nouvelle que le Patron d’Albany est en route pour New-York, dans son équipage à quatre chevaux, précédé de deux piqueurs, et qu’il arrivera sans doute demain dans la matinée. Plusieurs de mes connaissances ont déjà permis à leurs enfants d’aller à sa rencontre ; et quant aux noirs, il n’y aurait aucune avance à leur refuser la permission, attendu qu’ils la prendraient d’eux-mêmes.