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que chaque lundi matin, il ne manquait jamais de réitérer son offre. S’il insistait pour avoir une réponse, c’était un « non » qu’il entendait ; mais s’il donnait le temps de la réflexion, alors on lui laissait quelque lueur d’espérance. Le non même était généralement tempéré par un certain air de doute et d’hésitation, par un sourire affectueux, ou par quelques larmes involontaires.

— Corny, me dit mon ami en jetant son chapeau sur une chaise d’un air tout à fait tragique ; je dis son chapeau cette fois, car le printemps étant venu, nous avions tous quitté nos bonnets de fourrure ; — Corny, je viens encore d’être refusé : « non, non, toujours non ! » Ce mot est devenu si commun sur les lèvres de Mary Wallace, que je crains maintenant qu’elles ne sachent jamais en prononcer d’autre. Croiriez-vous, Corny, que j’ai une grande envie de consulter la mère Dorothée !

— Dorothée ? Ce n’est point sans doute de la cuisinière de M. le maire que vous voulez parler ?

— Non, la mère Dorothée ! on dit que c’est la meilleure diseuse de bonne aventure qui ait jamais demeuré à Albany. Mais peut-être ne croyez-vous pas aux diseuses de bonne aventure ? je sais qu’il y a des gens qui n’y croient pas.

— Je ne puis dire que j’aie une opinion bien arrêtée à leur égard, n’ayant jamais eu occasion d’en voir.

— Comment ? est-ce qu’il n’y a ni devin ni devineresse d’aucun genre à New-York ?

— Je crois bien qu’il en existe ; mais je n’ai jamais eu l’occasion d’en voir ni d’en entendre. Si vous allez voir la mère Dorothée, j’avoue que je vous accompagnerai volontiers.

Guert fut ravi de m’entendre parler ainsi, et il saisit au bond ma proposition ; il convint qu’il n’aurait pas aimé à s’aventurer seul dans le repaire de la vieille sorcière ; tandis qu’avec moi, il s’y rendrait sur-le-champ.

— Je suis peut-être le seul de mon âge à Albany, ajouta-t-il, qui n’ait pas encore consulté une seule fois la mère Dorothée. Je ne sais d’où cela vient, mais je n’ai jamais aimé à tenter la fortune en allant la questionner. On ne sait pas ce que ces êtres-là peuvent vous prédire ; et si ce sont des malheurs, voilà qu’on