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de concilier les grands couchers avec son attachement pour Mary Wallace ; mais je découvris, par des allusions indirectes et quelques mots couverts, qu’il avait été plus d’une fois acteur dans des scènes de ce genre, et que, s’il ne recommençait pas, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Mary Wallace connaissait ce penchant, qui lui inspirait une antipathie profonde, et c’était le seul motif, j’en suis convaincu, qui la fit hésiter à accepter l’offre hebdomadaire que Guert lui faisait régulièrement de sa main. L’affection qu’elle éprouvait pour lui était trop évidente à mes yeux pour que je doutasse qu’il ne finît par réussir ; quelle est la femme qui refuse longtemps de se rendre, quand l’image de celui qui livre l’assaut a déjà pris possession de la citadelle de son cœur ? Anneke elle-même lui faisait un accueil plus gracieux depuis le dévouement qu’il avait montré, et il me semblait que les choses allaient au mieux pour mon ami, tandis que moi je restais toujours au même point ; telle était du moins ma manière de voir au moment même où Guert, à ce qu’il paraît, commençait à s’abandonner au désespoir.

C’était à la fin d’avril, un mois environ après notre périlleuse excursion sur la glace ; Guert entra chez moi par une belle matinée du printemps, la figure complètement bouleversée. J’aurais dû commencer par dire que pendant tout ce mois, je n’avais pas osé parler d’amour à Anneke ; mes attentions et mes visites ne s’étaient point ralenties, mais ma langue avait été muette ; il me semblait qu’il serait mal à moi, après les services que j’avais rendus si récemment, de revenir sur-le-champ à la charge. Je poussais même le romanesque jusqu’à m’imaginer que ce ne serait point employer contre Bulstrode des armes courtoises que de chercher à exploiter la reconnaissance dans l’intérêt de mon amour ; c’étaient bien là les idées et les sentiments d’un tout jeune homme, je le confesse ; mais il me semble néanmoins que je n’ai pas à en rougir. En tout cas, ces idées étaient les miennes ; j’agissais en conséquence, et je sentais que mon cœur s’attachait de plus en plus, sans que j’eusse le courage de plaider seulement sa cause.

Guert était à peu près dans le même cas que moi, à cette différence néanmoins qu’il ne se faisait pas faute de parler, lui, et