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Mordaunt, mon cher Corny, n’est-ce pas ? me dit-il si tranquillement que je ne pouvais concevoir de quelle pâte il était fait.

— Oui, major Bulstrode, c’est le premier et le plus cher désir de mon cœur.

— Par suite de votre système de réciprocité, vous ne vous offenserez pas si je vous adresse une ou deux questions ?

— En aucune manière ; votre franchise servira de base à ma conduite.

— Avez-vous jamais parlé à miss Mordaunt de ce désir de votre cœur ?

— Oui, monsieur, et dans les termes les plus clairs et les plus formels, de manière à rendre toute méprise impossible.

— Sans doute, la nuit dernière, sur cette glace infernale, pendant qu’elle pensait que ses jours étaient entre vos mains ?

— Pas un mot n’a été dit à ce sujet la nuit dernière, car d’autres pensées nous absorbaient.

— C’est qu’il n’eût pas été très-généreux de profiter des alarmes d’une jeune fille…

— Major Bulstrode, je ne saurais souffrir…

— Arrêtez, mon cher Corny, dit le major en mettant un doigt sur ses lèvres de l’air le plus pacifique et le plus amical ; il ne faut pas qu’il y ait de malentendu entre nous. Les hommes ne sont jamais de plus grands sots que lorsque, sans avoir la moindre envie de se faire la plus légère égratignure, ils prodiguent les grands mots à propos d’honneur, là où le plus souvent l’honneur n’a rien à faire. Je ne vous chercherai point querelle, et s’il m’échappe quelques paroles légèrement inconséquentes, car j’espère bien ne pas commettre de plus gros crime, je vous en demande pardon d’avance.

— C’est assez, monsieur Bulstrode ; soyez sûr que je n’aime pas non plus à me quereller pour une ombre, et que je déteste tout autant que vous ces faux braves qui sont toujours prêts à faire blanc de leur épée, et qui reculeraient les premiers, si on les prenait au mot.

— Vous avez raison, Littlepage ; ceux qui font le plus de bruit ne sont jamais ceux qui font le plus de besogne. Comme vous