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Mais Guert était un excellent rameur ; et trouvant un bateau, il engagea Mary Wallace à y descendre, et comme il connaissait parfaitement tous les courants, il réussit à la débarquer à dix pieds de l’endroit où Guert et moi nous étions descendus si brusquement de traîneau très-peu de jours auparavant. De là à la maison d’Herman Mordaunt, il n’y avait qu’un pas ; et miss Wallace fut la seule qui reposa cette nuit-là dans son lit, si toutefois elle put reposer.

Telle fut la fin de cette aventure, que j’ai pu à bon droit appeler mémorable. Jack et Moïse revinrent sains et saufs ; sans doute ils avaient gagné le bord à la nage. On les trouva sur la grand’route, à peu de distance de la ville, et ils furent ramenés à leur maître le jour même. Tous ceux qui aimaient les chevaux, — et quel est le Hollandais qui ne les aime pas ? — connaissaient Jack et Moïse, de sorte qu’il ne fut pas difficile de savoir à qui ils appartenaient. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que les sleighs furent retrouvés, quoiqu’à de longs intervalles, et dans des circonstances très-différentes. Celui de Guert, avec toutes ses peaux, descendit toute la rivière sur la glace, traversa New-York sans doute pendant la nuit, et alla ainsi jusqu’à la mer où il fut jeté sur la côte par les vents et par la marée, puis tiré à terre, emmagasiné, annoncé dans les journaux, et enfin réclamé par Guert, qui le reçut par l’un des premiers sloops qui remontèrent l’Hudson après la débâcle. L’année 1758 se distingua par une activité extraordinaire à cause des mouvements de l’armée, et l’on ne perdit pas de temps inutilement.

L’histoire du sleigh d’Herman Mordaunt était tout autre. Les pauvres chevaux bais s’étaient noyés peu de temps après que nous les avions vus entraînés par le torrent. La vie ne les eut pas plus tôt abandonné que naturellement ils allèrent au fond de la rivière, entraînant avec eux le sleigh auquel ils étaient attachés. Quelques jours après ils reparurent à la surface, toujours avec le traîneau, qui fut recueilli par les matelots d’un bâtiment qui venait à Albany.

Nos aventures firent beaucoup de bruit dans le monde ; et j’eus lieu de croire que ma conduite était généralement approuvée. Bulstrode fut un des premiers à venir me voir.