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— C’est impossible par la direction qu’ils ont prise. Songez donc que le torrent qui doit se précipiter sous la rive occidentale ne peut manquer d’entraîner tout ce qui se trouve sur son passage. C’est cette issue ouverte aux eaux qui nous sauve. Mais faisons trêve aux paroles. Vous comprenez maintenant l’étendue du danger ; et ce que nous avons à faire, c’est de conduire dans l’île sans aucun délai nos deux chères compagnes d’infortune. Une demi-heure, une demi-minute peut couper toute communication.

Pendant même que nous parlions, la glace avait fait un mouvement sensible, et nous retrouvâmes le sleigh à vingt pas plus loin de l’île que nous ne l’avions laissé. Les chevaux eurent bientôt regagné cette distance ; mais arrivés près du bord, il n’y eut aucun moyen de leur faire franchir les glaçons brisés qui formaient à l’entour une haute barrière. Après deux ou trois efforts désespérés, Guert y renonça, et il me dit d’aider les deux amies à descendre. Il est impossible de se conduire avec plus de courage que n’en montrèrent ces frêles et délicates créatures dans des circonstances aussi critiques. Il n’y eut de leur part ni remontrances, ni larmes, ni exclamations ; elles firent simplement ce qu’on leur demandait, et je ne saurais dépeindre le soulagement que j’éprouvai lorsque j’eus réussi à les faire passer de l’autre côté de ces blocs amoncelés. Le froid n’était pas vif ; mais la surface de la terre était alors couverte d’une légère gelée ; autrement il eût été difficile de marcher dans ces terrains d’alluvion glissants et marécageux ; car l’île était si basse que, dès que la rivière montait, elle se trouvait sous l’eau. C’était même le danger que nous avions à craindre, en y cherchant un asile.

Quand je retournai auprès de Guert, il avait déjà été entraîné à la dérive assez loin de l’endroit où je l’avais laissé ; et cette fois nous fîmes avancer le sleigh assez au-dessus de la pointe de l’île, pour n’avoir pas à craindre de perdre de vue nos précieux dépôts. À ma grande surprise, Guert se mit à ôter les harnais des chevaux. Il ne leur restait plus que la bride, quand il la détacha également, puis il fit claquer vivement son fouet. Jack et Moïse effrayés se cabrèrent, puis se sentant libres, ils reniflèrent, bondirent impétueusement, et se précipitèrent vers le bas de la