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rebondir avec une sorte de force élastique. Les chevaux bais d’Herman Mordaunt nous suivaient de près, et en moins de vingt minutes, les sleighs avaient passé le banc célèbre de l’Overslaugh.

Tout Américain du Nord connaît l’effet que produit le mouvement d’un traîneau ; il est irrésistible, et dispose à la gaieté. Une fois la première émotion passée, Anneke et Mary Wallace en ressentirent aussi l’influence, et Guert acheva de les tranquilliser en leur faisant observer le son produit par les talons des chevaux, signe infaillible de la solidité de la surface sur laquelle nous nous trouvions.

Jamais Mary Wallace ne m’avait paru si en train. Ses yeux étaient presque aussi brillants que ceux d’Anneke, et son sourire n’avait pas moins de douceur. Les deux amies se livraient à toute leur gaieté, et deux ou trois petites circonstances me donnèrent lieu d’espérer que les affaires de Bulstrode pouvaient bien n’être pas aussi avancées qu’il s’en flattait.

— Je suis surpris que M. Mordaunt n’ait pas invité M. Bulstrode à être des nôtres, dit Guert dès que nous fûmes de l’autre côté de l’Overslaugh. Le major aime les promenades en traîneau, et il aurait occupé la quatrième place de l’autre voiture, tout à son aise. Quant à venir dans celle-ci, c’est ce qu’on ne lui eût pas permis, eût-il été général.

— M. Bulstrode est Anglais, répondit vivement Anneke, et il regarde nos amusements d’Amérique comme au-dessous d’un homme qui a été présenté à la cour de Saint-James.

— En vérité, miss Anneke, je ne puis pas dire que je partage votre façon de penser à l’égard de M. Bulstrode, répondit Guert dans toute l’innocence de son cœur. Il est Anglais ; il s’en fait gloire, comme Corny Littlepage que voici ; mais il faut faire la part de l’amour du pays et de l’antipathie pour les étrangers.

— Corny Littlepage n’est qu’à moitié Anglais ; encore y a-t-il beaucoup à rabattre de cette moitié, reprit la jeune fille en riant, car il est né et il a été élevé dans les colonies, et il a toujours aimé les traîneaux depuis le temps où il dégringolait…

— Ah ! de grâce, miss Anneke.

— Oh ! je n’y mets pas de malice, et j’oublie l’église hollandaise