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Dix heures sonnaient à l’horloge de la tour de l’église anglaise, lorsque les deux sleighs partirent de la porte d’Herman Mordaunt. Il n’y avait plus de neige au milieu des rues, mais il y en avait encore assez sur les côtés, mêlée avec de la glace, pour nous permettre de gagner la rivière. Arrivé sur le bord de la berge, Herman Mordaunt, qui était en avant, arrêta ses chevaux et se retourna pour demander à Guert s’il convenait d’aller plus loin. La glace près du bord avait évidemment été soulevée, la rivière ayant crû d’un pied ou deux par suite du vent et du dégel ; et dans cet endroit, il s’était formé une espèce de monticule de glace sur lequel il fallait commencer par passer. Une large crevasse qui se trouvait au milieu, nous permit de voir l’épaisseur de la glace, et Guert s’empressa de nous la faire remarquer pour nous rassurer. Il n’y avait rien d’extraordinaire dans ce léger mouvement imprimé à la surface, que le courant produit souvent ; mais à moins que les masses compactes qui couvraient le bas de la rivière ne s’ébranlassent, il était impossible que celles qui étaient au-dessus pussent changer subitement de position. Des sleighs passaient en grand nombre, apportant à la ville du foin provenant des plaines qui couvraient la rive orientale, et toute hésitation disparut. Le sleigh d’Herman Mordaunt franchit lentement le monticule, le conducteur prenant de grandes précautions pour que ses chevaux ne se blessassent point ; le nôtre suivit avec la même prudence, quoique les petits chevaux noirs eussent franchi d’un bond la crevasse en dépit des efforts de leur maître.

Mais une fois sur la rivière, Guert leur lâcha la bride, leur fit sentir le fouet, et nous partîmes comme le vent. Nous n’avions d’autre route que la surface lisse et unie de l’Hudson, le dégel ayant effacé presque toute trace de sentiers. L’eau avait passé sous la glace par les fissures et les interstices qu’elle avait pu trouver, de sorte que nos chevaux couraient sur un sol ferme et sec. Le vent était toujours au sud, sans être trop chaud, et un beau soleil contribuait au charme de notre excursion. Au bout de quelques minutes, tout symptôme d’inquiétude avait disparu. Les jolies bêtes noires justifiaient les éloges de leur maître, en touchant à peine la glace sur laquelle leurs pieds semblaient