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— Il fit une résistance de tous les diables ; et il ne fallut pas moins de trois lettres, dont la dernière était assez verte, pour l’amener à composition. Enfin je triomphai, et son consentement en bonne forme fut remis entre les mains d’Herman Mordaunt. J’avais un avantage : c’est que sir Harry est goutteux et asthmatique, et qu’il ne possède pas un pouce de terre qui ne soit substituée, de sorte que ce ne pouvait jamais être qu’une affaire de temps.

— Et tous ces détails ont été communiqués au père et à la fille ?

— Non, non, maître Corny ; je ne suis pas si niais ; vous autres provinciaux vous avez la peau aussi délicate que le raisin de fontainebleau, on ose à peine vous toucher. Je crois qu’Anneke ne voudrait pas épouser le duc de Norfolk lui-même, si la famille montrait la plus légère répugnance pour la recevoir.

— Et ne trouvez-vous pas qu’Anneke aurait raison d’obéir à un sentiment si honorable ?

— Je ne sais trop ; car, enfin, c’est le duc seul qu’elle épouserait, et non pas sa mère, ses oncles et ses amis. Pourquoi donc se créer des chimères à ce sujet ? Au surplus, nous n’en sommes pas encore là ; je vous répète, Littlepage, l’honneur m’en fait un devoir, que je ne suis pas encore formellement agréé ; seulement Anneke sait que le consentement de sir Harry est arrivé, et c’est un grand pas de fait. Sa grande objection sera de quitter son père, qui n’a pas d’autre enfant, et pour qui la séparation sera pénible ; il est probable que le changement de pays lui fera aussi quelque chose, car vous autres Américains vous avez tous la rage de rester chez vous.

— Il me semble que ce reproche n’est pas trop juste ; car ici l’opinion générale est au contraire que tout est mieux en Angleterre que dans les colonies.

— En vérité, Corny, répondit Bulstrode en souriant avec bonhomie, si vous alliez visiter notre vieille île, je crois qu’à certains égards cette opinion deviendrait aussi la vôtre.

— Et pourquoi pensez-vous qu’un voyage soit nécessaire pour cela ? Si j’étais Guert Ten Eyck, ou même Dirck Follock, à la bonne heure ; mais moi qui suis d’origine anglaise, dont le grand-