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parer le bagage du jeune Tom. Je vis tout le bataclan étalé sous mes yeux, et j’eus le temps de l’examiner à mon aise.

— Ce que vous ne manquâtes pas de faire, ou vous n’êtes pas le Joe Hight de 1710.

Le vieux major venait de remplir sa pipe, et il soufflait comme un forgeron pour l’allumer. L’opération fut bientôt faite, et il reprit alors :

— Vous ne vous trompez pas. Mais que diriez-vous de trouver une demi-douzaine de bottes d’oignons rouges dans les provisions d’un enseigne ?

— Allons donc ! êtes-vous certain qu’ils étaient rouges ?

— Rouges comme son uniforme. Il y avait ensuite une cruche remplie de mélasse, qui était grosse connue cette dame-jeanne, ajouta-t-il en montrant celle qui contenait ses provisions. Mais ce qui attira surtout mon attention, ce fut un énorme sac qui était vide. — Que diable le jeune Tom veut-il faire de ce sac ? me demandai-je tout bas ; mais, tout en causant, le père m’avoua très-franchement que Louisbourg passait pour une ville très-riche, et qu’on ne pouvait savoir ce que la fortune, ou la Providence — oui, par saint George, il nomma la Providence ! — pouvait faire trouver à son fils Tom sur son chemin. Comme pour le moment ce sac était vide, les jeunes filles imaginèrent d’y placer sa Bible et son livre d’hymnes, bien sûres que c’était l’endroit où le jeune enseigne les trouverait le plus facilement. Je suis très-certain, Hugh, que vous n’avez jamais eu ni Bible ni livre d’hymnes dans aucune de vos nombreuses campagnes.

— Non, certes, ni sac de butin, ni cruche de mélasse, ni bottes d’oignons rouges, grommela mon grand-père.

Ce soir-là les deux amis se mirent en gaieté en buvant au succès de l’expédition Yankee, au moment même où ils lançaient force lardons contre les individus. C’est un travers qui n’est pas particulier à nos provinces. J’ai souvent remarqué que les Anglais parlent des Français comme les Yankees parlent de nous, tandis que les Français, autant que je puis entendre leur baragouin, qui semble n’avoir jamais ni commencement ni fin, traitent les Anglais comme les Puritains de l’Ancien-Monde.

Comme je l’ai déjà fait entendre, nous n’étions pas très-forts à