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Vous savez sans doute… Mais nous parlerons de ceci dans un autre moment.

On ne tarda pas à sortir de table. M. le maire, se rappelant sans doute que nous avions déjà figuré à un souper, eut la complaisance d’abréger la seconde séance. Il était tard, et la compagnie se retira immédiatement. Au moment de nous séparer, Herman Mordaunt s’approcha de moi de l’air le plus amical, et il m’invita à venir déjeuner chez lui le lendemain matin à huit heures ; il me priait de transmettre la même invitation à Dirck. Ai-je besoin de dire avec quel empressement j’acceptai, et quel soulagement j’éprouvai en voyant se terminer ainsi une aventure qui, un moment, avait pensé me devenir si fatale. Sans doute, si M. Cuyler eût voulu poursuivre sérieusement les ravisseurs de son dîner, les conséquences légales n’auraient jamais pu être bien graves ; mais j’aurais été couvert de ridicule, et je n’aurais pu m’y soustraire qu’en m’éloignant au plus vite. Le révérend M. Worden respirait aussi beaucoup plus librement.

— Corny, me dit-il après que nous nous fûmes séparés de Guert, ce second souper m’a aidé singulièrement à digérer le premier. Ne craignez-vous pas que notre nouvel ami ne finisse par nous compromettre ?

— Comment donc ? je vous croyais engoué de lui. Vous paraissiez si bien ensemble

— Il me plaît assez, J’en conviens, car il a de la franchise et de la rondeur dans les manières, mais c’est surtout par politique que j’ai cherché à me mettre bien avec lui. Ce matin, voyez-vous, je crains de n’avoir pas assez respecté la dignité de mon caractère en courant sur la glace comme je l’ai fait. J’ai cru entendre une troupe de petits polissons hollandais qui riaient entre eux des « gambades du révérend ». Tout cela m’a donné à penser, et j’ai cru prudent de chercher un point d’appui.

— Très-prudent en effet ! Pour moi, sans politique, j’avoue que j’aime Guert infiniment, et que je lui resterai attaché, bien qu’il m’ait déjà attiré deux méchantes affaires depuis le peu de temps que nous nous connaissons ; c’est un bon garçon, le cœur sur la main, qui, en véritable Hollandais, une fois qu’il essaie de jouir de la vie, y va bon jeu bon argent.