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tombés au milieu d’ennemis implacables, et que Guert se trouvait en pays de connaissances.

— Ce digne révérend, ajouta-t-il en jetant un regard de côté sur Mary Wallace, pour voir si elle se déridait un peu, arrive d’Angleterre, monsieur le maire ; il doit prêcher après-demain dans l’église de Saint-Pierre, sans doute à notre grande édification à tous, sans excepter miss Mary Wallace, si elle veut bien venir l’entendre, bonne et indulgente comme je la connais.

Tous les yeux se tournèrent sur la jeune personne, qui devint rouge, mais qui ne répondit rien. Il était évident pour moi que l’attachement franc et profond de Guert avait fait impression sur le cœur de Mary Wallace, et que, dans cette circonstance en particulier, elle éprouvait plus de peine que de mécontentement véritable. Pour Anneke, elle était révoltée de l’indiscrétion de Guert, qui affichait ainsi ses sentiments avec plus de franchise que de délicatesse. Pendant cette petite scène, toute en pantomime, M. Cuyler avait eu le temps de se remettre de sa surprise d’avoir trouvé dans un de ses prisonniers un ministre véritable, et mon tour vint alors.

— Monsieur est ecclésiastique, c’est très-bien, dit-il à Guert ; mais l’autre, vous ne m’avez pas dit qui il était ?

— C’est M. Cornelius Littlepage, monsieur le maire ; fils unique du major Littlepage, de Satanstoé, dans le West-Chester.

Le maire tombait de surprise en surprise, et il semblait ne trop savoir quelle marche il devait suivre. L’expédition faite sur sa propriété dépassait en hardiesse tous les tours qu’on avait jamais pu se permettre à Albany. Que de jeunes fous dérobassent des poules, des cochons, etc., et fissent ensuite un grand régal avec leur butin, c’était chose assez commune ; on avait même vu deux bandes de maraudeurs se piller réciproquement, et le même souper changer plusieurs fois de mains avant d’être consommé ; mais jamais, au grand jamais, avant cette fatale soirée, personne n’avait eu l’audace d’attaquer le poulailler de M. le maire, que dis-je ? de pénétrer dans sa cuisine. Dans un premier mouvement de colère, M. Cuyler avait envoyé chercher le constable. Celui-ci, qui connaissait à merveille le club de Guert et le lieu de sa réunion, attendu qu’il avait dû déjà s’y présenter plusieurs