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restes dans la cuisine. Dans de telles circonstances, je jetai un regard inquiet sur le révérend M. Worden, qui me regarda d’un air non moins lugubre ; mais il n’y avait point de remède, et après une courte délibération avec Guert, nous prîmes nos chapeaux et nous suivîmes le constable à la résidence de M. Cuyler.

— Ne vous tourmentez pas, messieurs, de cette petite interruption de vos plaisirs, dit Guert en se plaçant entre M Worden et moi dès que nous fûmes dans la rue ; ces sortes de choses arrivent fréquemment chez nous. En tout cas, vous êtes innocents, puisque vous supposiez que le souper était bien à vous, et qu’il s’agissait uniquement de le reprendre par la voie directe au lieu d’avoir recours aux lenteurs interminables de la loi.

— Et à qui donc était destiné le souper que nous venons de manger ? demanda M. Worden.

— En vérité, je ne vois pas trop pourquoi à présent on ne vous dirait pas la vérité, mon cher révérend. Eh bien, donc, en droit le souper appartenait à M. le maire Cuyler. Laissez-moi faire, tout s’expliquera le mieux du monde ; ma mère doit être quelque peu parente de la femme de M. le maire ; d’ailleurs, tout le monde est plus ou moins cousin à Albany. Je n’ai donc fait, après tout, que souper avec mes parents, quoique seulement je me sois invité moi-même.

— Je ne sais, monsieur, si M. Littlepage et moi nous ne serions pas en droit de nous plaindre, dit M. Worden d’un ton grave ; je pouvais très-convenablement adresser un sermon à une cuisinière sur le huitième commandement, quand cette cuisinière était accusée d’avoir trempé dans un complot pour vous ravir votre souper ; mais que répondrai-je à Son Honneur M. le maire quand il va diriger contre moi la même accusation ? Ce n’est pas pour moi seul que je suis profondément affecté ; mais songez au caractère sacré dont je suis revêtu ; que vont dire vos disciples des écoles de Leyde ?

— Fiez-vous à moi, mon bon révérend, fiez-vous à moi, répondit Guert, tout prêt à se sacrifier lui-même plutôt que de laisser un ami dans la peine. J’ai l’habitude de ces sortes d’affaires, et je réponds de tout.

— Oui, oui, dit le constable, M. Guert doit être au courant,