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par exemple : — Ce vieux Cuyler… — Voilà un souper digne des dieux… — Du gibier et des canards… — Des perdrix et des cailles… — Il nous connaît tous… — Cela ne prendra pas… — Le révérend est l’homme qu’il faut… — Des étrangers… — Que faire ?

Dans ces propos interrompus, ce que je voyais de plus clair, c’était que, pour une raison ou pour une autre, notre souper courait de grands dangers ; mais quelle en était la cause, c’était ce qui me restait à apprendre. Guert jouait évidemment le premier rôle dans cette délibération, et on semblait l’écouter avec beaucoup de déférence et d’égards. Enfin notre ami sortit du cercle, et, avec beaucoup de courtoisie et de sang-froid, il nous fit part en ces termes de la difficulté qui se présentait :

— Vous saurez, messieurs, que nous autres jeunes gens d’Albany, nous avons certains usages qui ne sont peut-être pas familiers à ceux qui, comme vous, sont plus rapprochés de la capitale. Le fait est que nous ne sommes pas toujours aussi sages et aussi réservés que nos chers parents pourraient le désirer. Chez nous, c’est parfois tour de bonne guerre de faire main basse sur les poulaillers et les basses-cours des bons bourgeois, et de souper à leurs dépens. Je ne sais pas ce que vous en pensez, messieurs, mais j’avoue que, pour moi, les oies et les canards emportés ainsi à la pointe de l’épée, ont mille fois plus de saveur que s’ils avaient été achetés au marché. Néanmoins, c’était un souper bien et dûment acheté que nous devions manger ce soir ; mais il est devenu la victime de la mise en pratique de la petite théorie que je vous exposais.

— Que parlez-vous de victime à propos du souper, ami Ten Eyck ! s’écria M. Worden avec une consternation qui n’avait rien d’affecté. Ce n’est pas qu’il serait arrivé quelque malheur au souper ?

— Disparu, évanoui, subtilisé complètement ! plus une aile, plus une cuisse, pas même une pomme de terre ; — ils ne nous ont rien laissé !

— Et qui donc ? demanda le malheureux révérend.

— C’est un point qui reste encore à éclaircir ; car l’opération a été conduite d’une manière si fine et si délicate, que nos nègres n’en savent absolument rien. Il paraît qu’il n’y a qu’un instant on