Au moment où nous étions arrivés à la hauteur de l’église anglaise, une troupe de jeunes officiers sortit du fort, gais et en train, comme on l’est en sortant de table. Dès qu’ils eurent atteint le point de départ, trois ou quatre des plus jeunes s’élancèrent dans autant de traîneaux, et les voilà partis comme un trait. Personne ne semblait le trouver étrange ; au contraire, des personnes âgées les regardaient avec une sorte de complaisance et d’intérêt, comme si elles se trouvaient reportées ainsi aux jours de leur jeunesse. Je ne puis pas dire que ces jeunes amateurs, qui n’étaient pas du pays, réussissent tous également à diriger leurs traîneaux ; souvent ils étaient arrêtés par quelque obstacle avant d’arriver au bas de la côte.
— Voulez-vous en faire autant, monsieur Littlepage ? demanda Guert avec un air de gravité polie, qui prouvait à quel point il prenait au sérieux cet amusement. Voici un traîneau qui est grand et solide ; il peut très-bien nous porter tous deux, et vous n’avez aucune inquiétude à avoir : je réponds de vous, quand un régiment de cavalerie ferait ses évolutions en bas.
— Ne sommes-nous pas un peu âgés pour prendre ce divertissement dans les rues d’une grande ville, monsieur Ten Eyck ? demandai-je d’un air de doute, et en regardant autour de moi, comme quelqu’un qui voudrait refuser, mais qui n’ose. Ces officiers du roi sont privilégiés, comme vous savez.
— Les rues d’Albany nous appartiennent tout aussi bien qu’à eux, soyez-en sûr : de jeunes dames me font souvent l’honneur de se confier à moi, et jamais il n’est arrivé aucun accident.
— Comment ? est-ce que de jeunes dames s’aventurent à descendre ainsi ?
— Mais, oui, quelquefois, par un beau clair de lune ; bien qu’il y ait un endroit plus retiré, à peu de distance d’ici, où elles se rendent de préférence pour se donner ce plaisir. Tenez, monsieur Littlepage ! voici le capitaine Mouson, un de nos plus honorables officiers, qui s’apprête à descendre. Dépêchons-nous, ou il sera arrivé avant nous. Asseyez-vous comme si vous étiez la dame, et laissez-moi faire.
Comment résister ? Guert avait été si plein d’attentions et de prévenances pour moi ! Il était de si bonne foi ! Je m’assis de la