Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Très-respectable, mon cher monsieur, on l’estime infiniment.

— Corny, me dit alors M. Worden à l’oreille, décidément, j’accepte ; prévenez nos nouveaux amis que j’irai souper avec eux. Il sera bon de leur faire entendre que je ne suis pas un puritain, moi ?

À peine arrivés, nous nous trouvions déjà lancés dans le monde. Dans deux jours M. Worden allait monter en chaire ; et, le jour même, il était invité à souper. C’était un début qui promettait. En attendant, il fallait songer à dîner.

On nous servit un repas assez bon. Par bonheur, suivant l’observation judicieuse de M. Worden, le plat principal était du gibier, mets d’une digestion plus facile, qui nous permettrait de faire encore honneur au souper. Nous suivîmes ce bon conseil, mais Dirck cependant ne put résister à la vue appétissante de quelques ragoûts hollandais, et il y eut un certain hachis auquel Jason commença par dire deux mots, mais qu’il ne quitta ensuite qu’après avoir épuisé la conversation avec lui.

Après le dîner, une petite promenade était encore nécessaire, soit pour employer le temps, soit pour redonner un peu d’ardeur à l’appétit. D’ailleurs, nous avions aussi une vente à faire, et il fallait chercher à nous aboucher, Dirck et moi, avec quelque fournisseur de l’armée. Mon heureuse étoile me fit encore rencontrer Guert, qui semblait passer sa vie dans la rue. Après lui avoir appris l’acceptation du révérend, le hasard fit que, dans le cours de la conversation, je vins à parler de quelques chevaux et de quelques denrées que j’avais à vendre.

— Parbleu ! mon cher Littlepage, vous ne pouviez mieux vous adresser, s’écria Guert avec son sourire ouvert. J’ai votre homme. C’est un gros fournisseur qui achète en ce moment tout ce qu’il peut trouver. Suivez-moi, je vais vous conduire chez lui.

Chemin faisant, Guert nous recommanda de ne rien rabattre du prix que nous demanderions ; que c’était le roi qui payait, après tout.

— Il est bon que vous sachiez que l’ordre est venu d’acheter des chevaux à tout prix, ajouta-t-il ; ainsi donc, dites que vous ne voulez point les vendre sans les traîneaux et les harnais, et les gens du roi prendront tout en bloc.