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ans, et c’était un événement de nature à faire impression sur un enfant de cet âge. Mon grand-père vivait encore, et il prit un grand intérêt aux mouvements militaires de l’époque, ce qui était naturel de la part d’un vieux guerrier. New-York n’eut aucune part à la célèbre expédition qui prit Louisbourg, alors le Gibraltar de l’Amérique ; mais le capitaine Littlepage ne s’y associa pas moins de tout son cœur, ne pouvant le faire plus efficacement. Comme le lecteur pourrait ne pas connaître tous les ressorts secrets qui dirigèrent alors les événements, quelques mots d’explication ne seront pas inutiles.

Il y avait et il y a encore peu de sympathie, au point de vue du sentiment national, entre les colonies de la Nouvelle-Angleterre et celles du sud ; et rien de plus diffèrent que leurs coutumes et leurs opinions religieuses, de même que leur origine. J’ai entendu dire que les premières s’étaient recrutées en grande partie dans l’ouest de l’Angleterre, ou l’on retrouvait encore beaucoup de leurs usages et de leur idiome ; tandis que les colonies plus méridionales avaient reçu leur population des comtés du centre et des parties de l’île qui ont un cachet moins particulier, moins provincial en quelque sorte. Je n’affirme pas positivement le fait ; mais ce qui est certain, c“est que nous autres de New-York, nous regardons nos voisins de la Nouvelle-Angleterre comme des êtres tout différents, et que ceux-ci ont exactement la même opinion à notre égard.

Quoi qu’il en soit, il est certain que la Nouvelle-Angleterre est une portion de l’empire qui, soit en bien, soit en mal, fait classe à part. Elle doit son nom à la circonstance que les possessions anglaises rencontrèrent, à leurs limites occidentales, celles des Hollandais, qui furent ainsi séparées des autres colonies d’origine purement anglo-saxonne, par un vaste district ayant plus d’étendue que la métropole elle-même. Il faut qu’il y ait dans le caractère de ces Anglo-Saxons une prédisposition à railler et à mépriser les autres races. J’ai remarqué, en effet, que les habitants de la mère-patrie qui viennent au milieu de nous, la montrent même à l’égard de nous autres habitants de New-York et de ceux de la Nouvelle-Angleterre ; tandis que ces derniers manifestent envers nous, leurs voisins, des sentiments qui n’ont