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spectacle. Et ce n’était pas le trait le moins frappant du tableau de voir Jason, au milieu de la rue, ouvrant de grands yeux ébahis, avec son habit vert pomme et ses bas chinés.

J’étais sorti avec Dirck pour passer en revue les principales curiosités de la ville, et nous étions arrêtés devant la façade de l’église hollandaise, quand Guert Ten Eyck nous accosta avec la cordialité franche et sans façon que nous avions déjà remarquée en lui :

— Bonjour, monsieur Littlepage ; votre serviteur, monsieur Follock, cria-t-il en nous serrant la main à nous la briser ; justement je vous cherchais. Vous saurez que quelques amis et moi nous sommes dans l’habitude de nous réunir l’hiver pour souper ensemble ; c’est aujourd’hui que nous enterrons joyeusement la saison, et ils m’ont tous exprimé le désir de vous avoir. J’espère que vous ne nous refuserez pas. Nous nous réunissons à neuf heures, nous soupons à dix, nous nous séparons à minuit ; c’est tout ce qu’il y a de plus régulier, et nous sommes d’une sagesse exemplaire.

Il y avait quelque chose de si ouvert, de si engageant, de si simple en même temps dans la manière dont cette invitation était faite, qu’il n’était guère possible de la refuser. Nous savions que le nom de Ten Eyck était considéré dans la colonie ; il avait une mise des plus soignées ; au moment où nous l’avions rencontré pour la première fois, il conduisait un attelage des plus fringants. C’était évidemment un homme de bonne compagnie, quoiqu’il eût son cachet particulier.

— Nous ne nous ferons pas prier, monsieur Ten Eyck, répondis-je ; vous nous invitez de si bonne grâce que, mon ami et moi, nous acceptons avec plaisir.

— Comment, votre ami ? ce sont vos amis que nous attendons ; il nous les faut tous, et j’en vois un d’ici dont je me charge, je suis sûr qu’il ne me refusera pas. — C’était l’habit vert pomme qu’il avait entrevu. — Quant au révérend, il viendra aussi ; il a l’air d’un bon vivant, et je suis sûr qu’il n’est pas le dernier quand il s’agit de manger un dindon et de boire un bon verre de madère. D’ailleurs il doit avoir besoin de se restaurer un peu, après l’exercice violent qu’il a fait.