— Noyé ! répéta le jeune Hollandais en jetant les yeux sur la rivière, comme pour s’assurer qu’elle était toujours prise ; comment le révérend peut-il craindre un danger semblable ?
Comme M. Worden n’avait pas encore repris haleine, j’expliquai aux jeunes Albaniens que nous arrivions des environs de New-York ; que nous n’avions jamais passé une rivière sur la glace ; et que notre compagnon ayant mis pied à terre parce qu’il avait plus peur encore en traîneau, avait cherché à éviter également le leur, dont le voisinage ne lui semblait pas moins dangereux. Cette explication fut écoutée dans un respectueux silence, quoique j’eusse surpris un regard malin échangé entre les deux jeunes gens, et certain mouvement de lèvres chez les dames, qui prouvait qu’on avait assez de peine à ne pas éclater. Quand j’eus fini, le plus âgé des deux, grand et beau garçon de vingt-quatre à vingt-cinq ans, qui avait l’air très dégourdi, quoique ses manières et son costume annonçassent une personne de distinction, nous fit mille excuses de sa maladresse ; et descendant de voiture, il réclama l’honneur d’échanger une poignée de main avec chacun de nous. Il se nommait Guert Ten Eyck, nous dit-il, et il espérait que nous lui permettrions de nous faire les honneurs d’Albany. Il était connu de tout le monde, ajouta-t-il, et en cela il disait vrai, comme nous eûmes bientôt l’occasion de nous en assurer. Guert Ten Eyck avait la réputation d’un vrai boute-en-train, et il faisait autant de folies qu’on peut s’en permettre sans descendre au-dessous d’un certain niveau dans la société. Les jeunes dames qui l’accompagnaient étaient d’un cran au-dessous de lui, ce qui leur faisait rechercher sa compagnie avec d’autant plus d’empressement qu’il était joli garçon, toujours prêt à rire, ayant toujours la bourse à la main, et qu’on pouvait se bercer secrètement de l’espoir d’être l’heureuse personne destinée par la Providence à faire d’un mauvais sujet le meilleur des maris.
Il va sans dire que ces particularités ne nous étaient pas connues alors, et nous accueillîmes les offres obligeantes de Guert Ten Eyck avec le même empressement qu’il montrait à les faire. Il s’informa de l’hôtel où nous devions descendre, promit de ne pas tarder à venir nous voir, et nous serra de nouveau cordialement la main. Son compagnon nous fit un salut distingué ; le trio