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suivait son compagnon en grommelant, et en suivant des yeux l’Indien qui, après avoir abordé le capitaine, avait été envoyé par lui vers la grange.

— Je savais bien que le capitaine ne tolérerait pas une pareille créature ; il l’a renvoyé aux bois, comme vous voyez. Penser qu’un tel être oserait parler à Madame ! Je lui tomberais dessus plutôt que de souffrir qu’il lui dise un seul mot déplacé. Il a des griffes, c’est possible, quoiqu’il les tienne bien cachées dans ses belles chaussures. Que le diable me brûle, si je ne l’empoigne pas par son pied fourchu !

Joël vit alors quelles étaient les singulières illusions de l’Irlandais, et sachant bien qu’il serait promptement désabusé, il se décida à faire de nécessité vertu, en lui faisant connaître la vérité, se créant par là une confiance qui devait rendre plus faciles les fourberies qu’il méditait.

— Des griffes ! s’écria-t-il d’un air de surprise, pourquoi donc croyez-vous qu’un Indien ait des griffes, Michel ?

— Un Indien ! appelez-vous cette créature peinte un Indien ? n’est-ce pas un de vos démons Yankees ?

— Allons donc, croyez-vous que le capitaine logerait un démon ? Cet homme est un Tuscarora, aussi connu ici que le propriétaire de la hutte lui-même. C’est Nick, Saucy Nick.

— Oui, le vieux Nick, il me l’a dit de sa propre bouche, et le diable lui-même n’est pas assez menteur pour mentir sur son propre nom.

Joël vit alors qu’il avait beaucoup à faire pour dissuader son compagnon. Michel était convaincu qu’il avait rencontré un démon américain, et il fallait une puissante rhétorique pour lui persuader le contraire. Nous laisserons Joët occupé de cette tâche difficile dans laquelle il put enfin réussir, et nous allons suivre le capitaine et sa femme vers la hutte.

Ils examinaient d’un œil curieux tous les détails de leur future demeure. Jamie Allen, le maçon écossais, se tenait debout devant la maison pour entendre ce qu’on allait dire de sa muraille, tandis que deux ou trois ouvriers manifestaient une émotion pareille à celle du débutant littéraire lorsqu’il se demande ce que la critique va prononcer sur son premier ouvrage. L’extérieur causa au capitaine une grande satisfaction. La muraille n’était pas seulement solide ; elle était encore d’un bel aspect. Les cheminées, au