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Madame Willoughby sourit, et cependant deux ou trois larmes descendirent sur ses joues. Le sourire venait du plaisir qu’elle ressentait en apprenant que son fils entrait comme enseigne dans le 60e régiment ou Royal-américain ; ses larmes étaient un tribut payé à la nature, et témoignaient les craintes d’une mère qui livre un fils unique à la carrière des armes.

— Je me réjouis, Willoughby, dit-elle, parce que vous vous réjouissez ; et je sais que Robert sera enchanté d’avoir une commission du roi ; mais il est bien jeune pour être exposé aux dangers des camps et des batailles.

— J’étais plus jeune que lui lorsque je marchai au feu ; car nous avions la guerre alors. Aujourd’hui, nous jouissons d’une paix qui semble devoir être sans fin, et Robert aura le temps de cultiver sa barbe avant de sentir l’odeur de la poudre. Quant à moi, ajouta-t-il d’un ton de regret, car les vieux souvenirs et les vieilles habitudes renaissaient de temps à autre en lui, quant à moi la culture des navets doit être mon occupation future. Eh bien, ma commission est vendue, Robert a la sienne en place ; la différence du prix est dans ma poche qu’il n’en soit plus question. Voici nos chères filles, Wilhelmina, elles doivent dissiper tous les regrets. Le père de deux enfants semblables doit assurément être heureux.

Au même instant entrèrent dans la chambre Beulah et Maud Willoughby, car la fille adoptive portait comme l’autre le nom de la famille. Elles venaient visiter leurs parents dans la promenade du matin que leur faisait faire régulièrement leur maîtresse de pension. Et ce n’était pas sans raison que leurs tendres parents en étaient fiers. Beulah, aînée, avait onze ans, et sa sœur était plus jeune de dix-huit mois. La première avait une physionomie calme, mais gracieuse, ses joues étaient colorées, ses yeux brillants, et son sourire charmant. Maud, la fille adoptive, avec le même air de santé que sa sœur, avait la physionomie rayonnante d’un ange. Sa figure avait plus de finesse, ses regards plus d’intelligence, sa sensibilité plus d’enjouement, son sourire plus de tendresse et souvent plus d’expression. Il est à peine utile d’ajouter que toutes deux se distinguaient par cette délicatesse de contours qui se rencontre presque invariablement chez les femmes de ce pays. Ce qui était peut-être plus commun à cette époque que de notre temps, toutes deux parlaient leur langue avec une pureté