entriez. Vous sentez bien qu’il ne conviendrait pas que vos amis vous appelassent d’un nom, et votre mère d’un autre. Il vaut mieux laisser là Moïse Marbre tout d’un coup.
— Si j’en fais rien, je veux bien être…
— Chut ! vous oubliez où vous êtes et en présence de qui vous vous trouvez.
— J’espère que mon fils apprendra bientôt qu’il est toujours en présence de son Dieu, dit la mère d’un ton de reproche.
— Oui, oui, mère, c’est à merveille, et sous ce rapport-là, vous ferez de moi tout ce que vous voudrez ; mais quant à ne pas être Moïse Marbre, voyez-vous, autant vaudrait me dire de n’être plus moi-même. On ne peut pas changer de nom comme de chemise, et le mien a été assez dur à trouver pour que je n’aime pas à m’en séparer. Non, non, on me dirait tout à l’heure que j’ai pour parents un roi et une reine et que je vais leur succéder sur le trône ; je veux bien, m’écrierais-je ; mais alors je serai le roi Moïse Marbre Ier.
— Vous réfléchirez encore, et vous vous rendrez à nos désirs.
— Voulez-vous que je vous dise, mère ! et c’est un moyen de mettre tout le monde d’accord, je coudrai le vieux nom au premier, et tout cela formera le pavillon sous lequel je naviguerai.
— Peu m’importe de quel nom on vous appelle, mon fils, pourvu que personne n’ait à rougir du nom que vous portez. Ce monsieur me dit que vous êtes un homme honnête et plein de cœur ; et c’est ce dont je ne cesserai jamais de remercier Dieu.
— Ah ! Miles a donc entonné mon éloge ? Prenez garde, mère, je vous préviens qu’il a une langue joliment pendue ! La nature l’avait destiné à être avocat, mais le hasard en a fait un marin, et un fameux marin, je vous en réponds. Mais quel doit être mon nom, suivant la loi ?
— Oloff Van Duzer Wetmore Moïse Marbre, suivant votre expédient de réunir tous vos noms ensemble ; ou bien, changeant d’amures, Moïse Oloff Marbre Van Duzer Wetmore, si vous l’aimez mieux.
Moïse se mit à rire ; et comme je vis, à la disposition d’esprit dans laquelle il se trouvait, qu’il n’y avait aucun inconvénient à le laisser avec sa mère, et qu’il ne restait plus qu’une heure ou deux avant le coucher du soleil, je me levai.
— Vous pouvez, Marbre, lui dis-je, rester ici cette nuit avec votre mère. Je vais tenir le sloop à l’ancre jusqu’à demain matin, et, quand