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supplice, pour assister à l’agonie de leur semblable ; et, quoique cette foule de curieux puisse éprouver parfois quelques mouvements de sensibilité pendant cette affreuse tragédie, aucun ne détourne les yeux qu’il n’ait vu les moindres détails de ce hideux dénouement. Il faut que je dise un mot de notre ami, M. Gallois. Juste au moment où les mâts du Prince-Noir furent abattus, je le vis bien loin au vent, qui se dirigeait vers la côte, faisant toute la voile que le lougre pût porter. La corvette le suivait toujours de près, et Marbre me fit remarquer le nuage de fumée qui s’élevait sur son passage. La distance était trop grande pour que nous pussions entendre le bruit des détonations ; mais la fumée continua à être visible jusqu’au moment ou les deux navires disparurent au sud-ouest. J’appris que le lougre avait fini par s’échapper ; il était vivement poursuivi, et il eût été capturé, si la corvette anglaise, dans son ardeur de l’aborder, n’avait pas brisé son grand mât de perroquet. Ce fut à cet accident seul que M. Gallois dut son salut ; j’espère qu’il parvint à rejoindre son ami, M. Le Gros.



CHAPITRE XIX.


La mer était calme, et je vis deux vaisseaux venir droit à moi, l’un de Corinthe, l’autre d’Épidaure : ils venaient,… mais ne m’en demandez pas plus, et que ce que je vous ai dit vous serve à vous faire deviner le reste.
La Comédie des Erreurs.



Il était grand temps que l’Aurore agît. De tous les bâtiments sous le vent, le Rapide, celui que nous avions le plus sujet de craindre, était le plus en état de nous nuire. Il est vrai que, pour le moment, nous pouvions le gagner de vitesse ; mais un bâtiment de guerre, avec son nombreux équipage, pouvait bientôt rétablir l’équilibre. J’appelai Marbre pour me concerter avec lui.

— Eh bien ! Moïse, je crois qu’il ne faut pas nous amuser ici plus longtemps ; les Anglais sont vainqueurs, et comme les officiers du Rapide nous ont reconnus, on ne va pas tarder à se mettre à nos trousses.