Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À présent que le jour était revenu, que le soleil brillait de tout son éclat, que la mer paraissait tranquille, le capitaine se calma. Il avait assez de bon sens pour comprendre qu’il fallait se donner le temps de faire des observations avant de songer à se remettre en route, et il envoya l’équipage déjeuner. L’heure qui fut employée ainsi sur l’avant, fut consacrée sur l’arrière à examiner l’aspect de l’eau, et la position des récifs autour du bâtiment. Tout en marchant, le capitaine avait pris sa tasse de café et mangé son biscuit ; et appelant quatre des plus rigoureux rameurs, il se jeta dans le petit canot, et se mit en devoir de chercher un canal du côté de la mer. La sonde ne cessa pas d’agir, et je les laisserai faire leurs recherches, pour porter notre attention sur notre bord.

Marbre m’appela sur le gaillard d’arrière, dès que le capitaine fut dans le canot. Il était évident qu’il désirait me parler en particulier. Il descendit dans la soute où était tout ce qui restait de la provision d’eau du bâtiment. Je le suivis, comme j’avais compris à l’expression de ses yeux que je devais le faire. M. Marbre avait un air tout à fait mystérieux, et il n’ouvrit pas les lèvres avant d’avoir cherché de côté et d’autre, et dérangé plusieurs objets de place. Quand ce manège eut duré quelques instants, il se tourna tout à coup vers moi, et me dévoila le secret de la manœuvre.

— Voulez-vous savoir une chose, maître Miles, me dit-il en me faisant signe du doigt d’être prudent, ce bâtiment n’est pas dans de plus beaux draps, suivant moi, que le dernier boueur de New-York. Nous sommes entourés d’eau, et de récifs en même temps. Quand même nous saurions notre chemin pour sortir d’ici, il n’y a point de vent pour nous y porter, au milieu de ces courants infernaux. — Après tout, il n’y a point de mal à se préparer au pire ; ainsi donc, prenez Neb et le gentleman, — c’était le sobriquet qu’on donnait généralement à Rupert à bord, — et videz la chaloupe, ôtez-en tout ce qui n’est pas nécessaire ; après quoi, mettez-y les barils et attendez de nouveaux ordres. Ne faites pas de bruit, dites que vous agissez par ordre, et laissez-moi faire.

J’obéis à l’instant, et en quelques minutes la chaloupe était prête. Pendant que j’étais ainsi occupé, M. Kite vint à passer. — Que faites-vous donc là ? me demanda-t-il. — Je lui dis que j’exécutais les ordres de M. Marbre, et celui-ci donna des explications à sa mnanière.

On peut avoir besoin de la chaloupe, car je ne crois pas que le petit canot puisse aller aussi loin qu’il sera nécessaire pour sonder ; aussi je m’occupe de lester la chaloupe et de préparer ses voiles. Il ne sert à rien d’épiloguer dans la position où nous sommes.