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relle, et j’étais venu voir si elle m’avait tenu parole ; mais que votre sœur écrive à un autre jeune homme, ou que la sœur de ce jeune homme vous écrive, ce n’est pas la même chose, j’en suis sûr, quoique je ne puisse pas bien me rendre compte de la différence. Sans demander à voir une seule ligne de la lettre de Grace, j’entrai à mon tour au bureau, et je revins une minute après, d’un air triomphant, l’épître de Lucie à la main.

Après tout, le sentiment n’occupait beaucoup de place ni dans l’une ni dans l’autre lettre. C’était le langage simple et naïf de deux jeunes filles à des amis d’enfance. Je les ai encore sous les yeux et je les transcris ici ; c’est le plus court moyen de faire connaître au lecteur l’effet que notre disparition avait produit à Clawbonny. Celle de Grace était conçue en ces termes :


« Cher Rupert,

« Clawbonny a été tout en émoi ce matin, à neuf heures, et il y avait bien de quoi. Lorsque l’anxiété de votre père devint par trop vive, je lui dis tout, et je lui remis les lettres. Il m’en coûte de le dire ; mais il se mit à pleurer. Puissé-je ne plus jamais avoir un pareil spectacle sous les yeux ! Les larmes de deux sottes filles comme Lucie et moi sont peu de chose ; mais, Rupert, voir un vieillard que nous aimons et que nous respectons tant, un ministre de l’Évangile, en pleurs, c’était à fendre l’âme. Il ne nous reprocha pas notre silence ; il reconnut qu’après notre promesse nous ne pouvions agir autrement. Je voulus lui expliquer vos raisons sur la responsabilité dans les prémisses ; mais il ne parut pas même m’entendre. Est-il trop tard pour revenir ? Le bateau sur lequel vous êtes partis peut vous ramener, et quel plaisir nous aurions tous à vous revoir ! Quoi que vous fassiez, et partout où vous irez, mes amis, car j’écris à l’un autant qu’à l’autre, bien que j’adresse ma lettre à Rupert, parce qu’il m’en a si fort priée, rappelez-vous les leçons que vous avez reçues dans votre enfance, et à quel point nous sommes tous intéressés à votre conduite et à votre bonheur.

« Votre affectionnée Grâce Wallingford. »


Lucie avait été moins réservée, et peut-être un peu plus franche. Voici sa lettre :


« Cher Miles,

« J’ai bien pleuré une heure après votre départ et celui de Rupert ; et maintenant que tout est fini, je me battrais presque d’avoir tant pleuré pour deux mauvais sujets. Grace vous a dit que notre bon