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pirer, ramenant en même temps Drewett, qui se trouvait dans la position la plus favorable, et trois fois j’enfonçai de nouveau. Une lutte si terrible ne pouvait durer longtemps. Nous allâmes au fond pour la quatrième fois, et cette fois je sentais que c’était pour ne plus nous relever, quand il m’arriva un secours inattendu. Depuis l’enfance, mon père m’avait appris la leçon importante de tenir mes yeux ouverts sous l’eau. Par suite de cette habitude, j’avais sur Drewett le léger avantage de voir au moins de quel côté je devais diriger mes efforts. Pendant que j’enfonçais, à ce que je croyais, pour la dernière fois, je vis près de moi dans l’eau une masse indistincte que, dans mon trouble, je pris pour un requin, quoique les requins ne remontent jamais l’Hudson aussi haut, et arrivent même rarement jusqu’à New-York. Cet objet s’avançait de notre côté, et même il plongea tout à coup sous nous, comme s’il voulait s’assurer sa proie. Mais je me sentis soulever doucement à la surface, et au moment où j’apercevais la lumière, et où je commençais à respirer, Drewett fut arraché de mon cou par Marbre, dont la voix résonna délicieusement à mon oreille. Au même instant, mon requin sortit de l’eau, soufflant comme un marsouin, et j’entendis ces mots :

— Courage, maître ! Neb être là !

Je fus hissé à bord, je ne sais comment, et je restai étendu dans un épuisement complet, pendant que Drewett ne semblait plus donner aucun signe de vie. En ce moment, Neb, tout ruisselant, comme quelque dieu nègre du fleuve, s’assit au fond du canot, prit ma tête sur ses genoux, et se mit à presser mes cheveux pour en exprimer l’eau, et à m’essuyer la figure avec un mouchoir.

— Allons, enfants, force de rames pour regagner le sloop ! s’écria Marbre dès que nous fûmes retirés de l’eau. Ce monsieur semble avoir fermé les écoutilles pour la dernière fois. Quant à Miles, ce n’est pas lui qui se noiera jamais en eau douce.


fin de la première partie de à bord et à terre[1].
  1. Lucie Hardinge forme la seconde partie. (Note de l’auteur.)