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comptes, il était aussi exact, aussi méthodique que le banquier le plus scrupuleux. Rigidement honnête, strict observateur des droits des autres, n’ayant pour toute ressource, pendant la plus grande partie de sa vie, que le modique revenu de son presbytère, jamais il n’avait contracté la moindre dette ; ce qui était d’autant plus méritoire qu’il avait un fils prodigue ; mais jamais Rupert lui-même n’avait pu l’entraîner dans cette voie funeste des emprunts. Son revenu n’excédait pas trois cents dollars année commune, et cependant ses enfants étaient toujours bien mis, et je savais par expérience que sa table était toujours servie convenablement. Il recevait bien quelques présents de ses paroissiens, mais c’était peu de chose ; ce qui l’avait toujours mis au-dessus du besoin, c’était l’esprit d’ordre, et la ferme détermination de ne jamais anticiper sur ses revenus. Maintenant que la fortune de mistress Bradfort appartenait à ses enfants, et quoique tout l’argent de la succession passât par ses mains, il avait refusé d’en garder pour lui un dollar et remettait tout à sa fille. — Il se croyait riche puisqu’il ne désirait rien.

Il va sans dire que je trouvai tous les comptes d’une exactitude rigoureuse : les signatures nécessaires furent données, la procuration annulée, et j’entrai en pleine possession de tous mes biens. Une hausse inattendue dans les farines avait élevé mes recettes sur terre à la jolie somme de neuf mille dollars. En réunissant tout l’argent qui était disponible, je me trouvais en possession de trente mille dollars, déduction faite de la valeur de mon bâtiment : c’était un commencement de fortune. Avec quel empressement j’aurais tout donné pour voir Grace rendue à la santé et au bonheur !

Les comptes terminés, je montai à cheval avec M. Hardinge, et je parcourus les terres qui dépendaient de la ferme. Nous passâmes près du petit presbytère, et le bon ministre s’extasia sur les beautés de son ancienne demeure et sur le plaisir qu’il aurait à y retourner ; il aimait Clawbonny tout autant qu’autrefois, mais il aimait encore plus son presbytère.

— Je suis né dans cette humble et paisible maison, Miles, me dit-il ; j’y ai vécu bien des années heureux époux, heureux père, et j’espère pouvoir ajouter, gardien fidèle de mon petit troupeau. L’église de Saint-Michel de Clawbonny n’est pas la Trinité de New-York, à coup sûr ; mais on peut y faire son salut tout aussi bien. Que de fervents chrétiens n’ai-je pas vus s’agenouiller devant son modeste autel, et, entre autres, Miles, et parmi les plus fervents, votre mère et votre vénérable aïeule ! J’espère que le jour n’est pas éloigné où j’y verrai encore une autre mistress Miles Wallingford. Mariez-vous jeune, mon