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— Pouvez-vous le demander ? c’est à vous qu’il le destine, ma chère ? quel emploi plus convenable pourrait-il en trouver ?

— Vous vous trompez, miss Hardinge. Grace excusera pour cette fois mon égoïsme. Ce n’est pas à miss Wallingford que ce collier est destiné, mais à mistress Wallingford, s’il existe jamais une personne de ce nom.

— D’honneur, la tentation est double, mon cher, et je ne concevrais pas qu’on eut le courage d’y résister, s’écria Rupert en lançant un coup d’œil malin à Émilie, qui y répondit par un léger sourire.

— Miss Merton est trop bonne pour ne pas excuser une plaisanterie faite sans intention, répondis-je avec quelque raideur. Au surplus elle date de loin, puisque c’est sur la mer Pacifique que j’ai déclaré que les perles auraient cette destination. Mais heureusement, j’ai encore quelques perles en réserve, qui, sans être tout à fait aussi belles que celles du collier, ne sont pourtant pas indignes de votre attention, et je serais heureux, Mesdames, de vous les voir partager. Il doit y en avoir assez pour faire une bague et une broche pour chacune de vous.

Je mis entre les mains de Grace une boîte qui contenait le reste de mon petit trésor. Au milieu de beaucoup de semence, il y avait quelques perles d’une belle grosseur.

— Allons, il ne faut pas être fière, dit Grace en souriant. Merci, Monsieur, de votre générosité. Nous allons faire trois lots, et nous les tirerons au sort. Il y en a vraiment de superbes !

— Elles auront du moins une valeur à vos yeux, Grace, et peut-être aussi à ceux de Lucie ; c’est que je les ai pêchées de mes propres mains. Elles pourront en avoir une autre pour miss Merton ?

— Et laquelle ?

— C’est de lui rappeler les dangers qu’elle a courus, le séjour qu’elle a fait à la Terre de Marbre, toutes scènes qui, dans quelques années, lui sembleront des rêves.

— Je ne prendrai qu’une seule perle à cette intention particulière, dit Émilie avec plus de sensibilité que je ne lui en avais vu montrer depuis qu’elle était rentrée dans le monde, si miss Wallingford veut bien la choisir pour moi.

— Allons, allons, reprit Grace avec son ton le plus insinuant : vous en prendrez une pour Miles et cinq pour moi. Il faut avoir au moins de quoi faire une bague.

— Je le veux bien ; mais croyez que je n’ai besoin d’aucun souvenir pour me rappeler tout ce que mon père et moi nous devons au capitaine Wallingford.