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il fit peu de résistance. Il dépérissait visiblement, et je commençais à douter sérieusement qu’il vécût assez même pour retourner en Europe. Il avait quelques parents à Boston et il entretenait une correspondance avec eux. J’avais été plus d’une fois tenté de leur écrire pour leur parler de son état ; mais pour le moment, le plus pressé était de le conduire à la campagne.

Lorsque tous les arrangements furent pris, je demandai à Rupert d’être des nôtres ; car je pensais que, sans lui, Grace et Lucie ne trouveraient pas la partie complète.

— Miles, mon cher ami, dit le jeune légiste en bâillant, — Clawbonny est assurément un endroit merveilleux, mais vous conviendrez qu’il doit paraître légèrement insipide après New-York. Mon excellente parente, mistress Bradfort, s’est tellement prise de passion pour nous tous, qu’elle est pour moi aux petits soins. Croiriez-vous bien, mon garçon, que voilà deux ans qu’elle me donne six cents dollars, et qu’en outre elle fait à Lucie des présents dignes d’une reine ? C’est une femme qui vraiment n’a pas sa pareille que notre cousine, savez-vous bien ?

Cette révélation m’étonna. En faisant mon compte avec nos armateurs, j’avais vu que Rupert avait épuisé jusqu’à sa dernière limite le crédit que je lui avais ouvert chez eux.

Toutefois, comme mistress Bradfort était très à son aise, qu’elle n’avait point de plus proche parent que M. Hardinge, et qu’elle était très-attachée à la famille, je ne doutai point que Rupert ne dît vrai, et je regrettai seulement qu’il ne se respectât pas davantage.

— Je suis fâché que vous ne veniez pas avec nous, répondis-je ; car je comptais sur vous pour nous aider à amuser les Mertons.

— Les Mertons ! à coup sûr, ils ne vont pas aller passer l’été à Clawbonny ?

— Ils partent demain avec nous. Qu’y a-t-il donc là qui vous étonne ?

— Mais, Miles, vous savez bien comment est fait le monde, et les Anglais en particulier. Ils sont à cheval sur l’étiquette, sur les contenances de rang et de fortune, vous savez bien, — oh ! je les comprends à merveille à présent ; car je passe la plupart de mon temps dans le cercle des Anglais, vous savez bien.

Je l’aurais ignoré que le langage de Rupert, et ces vous savez bien, dont il assaisonnait maintenant chaque phrase à l’imitation de ses nouveaux amis, qui n’étaient pas ce qu’il y avait de plus distingué en Angleterre, me l’auraient prouvé suffisamment. Sans doute il y avait dans le cercle dont il parlait des Anglais respectables, et ils en for-