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vous plaire ! — Je sentis que je perdais contenance, et, prétextant les exigences du service, je m’éloignai précipitamment pour retourner à bord. Je rencontrai sur le quai M. Hardinge qui me cherchait.

— Venez, Miles, me dit l’excellent vieillard, j’ai besoin de causer sérieusement avec vous.

Comme dans ce moment Lucie occupait la première place dans mes pensées, je me dis tout bas : de quoi donc le cher ministre veut-il me parler ?

— De tous les côtés j’entends dire de vous monts et merveilles, dit M. Hardinge, et j’apprends que vous êtes déjà un excellent marin. C’est un grand honneur pour vous d’avoir à votre âge commandé pendant un an un bâtiment allant aux Indes. J’ai causé de vous avec un de mes vieux amis, John Murray, de la maison Murray et fils, un des premiers négociants des États-Unis, et il m’a dit : « Si le garçon a de l’étoffe, poussez-le en avant. Donnez-lui un bâtiment à lui, et vogue la galère. Il n’y a rien de tel que d’avoir à soigner ses intérêts propres pour devenir vite un homme. » J’y ai bien réfléchi, j’ai certain bâtiment en vue depuis un mois ; et si ce plan vous sourit, je vais vous l’acheter.

— Mais ai-je assez d’argent pour cela, mon cher Monsieur ? Après avoir monté le John, le Tigris, la Crisis, je ne me soucierais pas de quelque navire subalterne, coté peut-être un tiers.

— Vous avez oublié la Polly dans votre énumération, dit le ministre en souriant. Mais soyez sans inquiétude. Le navire que j’ai en vue est de première classe ; il n’a encore fait qu’un seul voyage, et il est vendu par suite de la mort de l’armateur. Quant à l’argent, j’ai placé l’excédant de vos revenus sur les fonds publics, et ce qui a coûté dix mille dollars en vaut aujourd’hui treize mille ; car depuis la conclusion de la paix, tout est en hausse, et l’argent abonde. Vous avez dû de votre côté faire quelques économies ?

— J’ai près de trois mille dollars en réserve, et je n’aurai de longtemps à vous adresser aucune demande pour mes besoins personnels. Puis j’ai ma part de prise à toucher. Neb lui-même, avec sa paie et sa part de prise, me rapporte neuf cents dollars. Avec votre permission, Monsieur, j’aimerais à lui donner la liberté.

— Attendez votre majorité, Miles, et alors vous ferez ce que vous jugerez convenable. En réunissant toutes nos ressources, j’ai à votre disposition plus de vingt mille dollars que je puis réaliser à l’instant même, et le prix du navire, tel qu’il est, presque prêt à mettre en mer, n’est que de quinze mille. Allez le voir ; s’il vous plaît, c’est un marché conclu.