Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enveloppe première, et jamais bijou acheté à prix d’argent ne pourrait avoir la même valeur à mes yeux.

— Savez-vous que ce sera une fantaisie assez coûteuse. Voyons, combien a-t-on de son argent, dans votre partie du monde, Wallingford ?

— Six pour cent, à New-York, Monsieur, sur bonne hypothèque.

— Et savez-vous ce que mille livres sterling, converties en dollars, rapporteraient à ce taux, Miles ? Calculez, et vous verrez si ce n’est pas payer bien cher le plaisir de pouvoir dire qu’on a un collier de perles dont on ne peut rien faire.

— Mais j’en ferai quelque chose, Monsieur ; j’ai une sœur, je puis le lui donner ; ou bien, si je me marie, je le donnerai certainement à ma femme.

Je vis poindre sur les lèvres du major un sourire presque imperceptible que j’étais trop jeune, et, je puis ajouter, trop Américain pour comprendre. Je ne voyais rien d’inconvenant à ce que la femme d’un homme qui pouvait avoir deux mille dollars de rente portât à son cou deux années de son revenu, ou qu’elle se montrât magnifique dans une seule partie de sa toilette, quand tout le reste ferait un contraste choquant. Nous rions tous quand nous entendons parler de chefs indiens portant des uniformes et des chapeaux à trois cornes sans autres vêtements, mais nous fermons les yeux sur des inconséquences qui nous sont personnelles, et qui souvent ne sont pas moins ridicules aux yeux des autres. Pour moi, il me semblait tout naturel que mistress Wallingford portât le collier qui appartenait légitimement à son mari. Émilie ne sourit pas ; mais elle continuait à tenir le collier dans sa petite main potelée, qui rivalisait de blancheur avec les perles, et que le rapprochement faisait paraître encore plus jolie. Je me hasardai à la prier de mettre le collier à son cou ; ses joues se couvrirent d’une légère rougeur, mais elle obéit.

— Ma foi, Émilie, s’écria le père enchanté, cette parure vous va si bien que je commence à revenir sur ce que j’ai dit ; on n’a pas besoin d’être riche pour porter un si bel ornement.

Il est certain qu’il était impossible de voir rien de plus ravissant que miss Merton ainsi parée. La blancheur éblouissante de sa peau, les contours admirables de ses épaules, le vif éclat que le plaisir donnait à tous ses traits, ajoutaient beaucoup à la beauté du tableau. Il eût été difficile de dire qui gagnait le plus au rapprochement, du collier ou de la jeune fille, tant ils s’harmonisaient bien ensemble. Je ne pouvais me lasser de regarder Émilie ; aussi cherchai-je à faire durer le plaisir, en la priant de porter le collier le reste de la journée.