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quelque conversation avec M. Le Compte ? Vous a-t-il dit ses projets ?

— Je quitte à l’instant ce grimacier fieffé. Ses sourires aimables, Miles, sont autant de coups d’épingle qu’il vous lance pour vous faire sentir son bonheur, — mais, si je retourne jamais aux États-Unis, du diable si je n’arme pas un corsaire pour me mettre à ses trousses. Je me ferais pirate, je crois, pour attraper ce pendard.

Hélas ! le pauvre Marbre, ce n’est pas à lui, qui fût resté second toute sa vie, sans un funeste accident, que des armateurs, qui comptent toujours si bien, auraient jamais confié une embarcation quelconque pour aller combattre des moulins à vent !

— Mais quelle nécessité d’aller aux États-Unis pour trouver un schooner, commandant, quand les Français ont la politesse de nous en donner un, précisément là où nous sommes ?

— Je commence à vous comprendre, mon garçon ; cette idée n’est pas sans charme. Mais ce Français a déjà ma commission entre ses mains, et, sans cette pièce, c’est de la piraterie que nous ferions.

— Permettez-moi d’en douter, commandant, quand c’est un accident qui a fait perdre la commission, et qu’on l’avait en partant. Ces actes sont tous enregistrés, et l’on pourrait toujours vérifier, chez nous, qui nous sommes.

— Oui, pour la Crisis, mais non pour cette petite Pauline. Une commission n’est valable qu’à bord du bâtiment qui y est désigné.

— Je ne suis pas de votre avis, capitaine Marbre. Supposez que notre navire eût coulé bas dans une action où nous aurions capturé le bâtiment ennemi, ne pourrions-nous pas continuer notre voyage à bord de la prise, et combattre ensuite tout ce qui nous barrerait le chemin ?

— De par saint George, voilà qui me paraît raisonnable ! Je menaçais, tout à l’heure, de me faire pirate, et voilà maintenant que j’hésite à reprendre mon bien !

— Comment ? est-ce que les équipages de bâtiments capturés ne se soulèvent pas souvent contre leurs vainqueurs, et ne viennent pas à bout de reprendre leur navire ? A-t-on jamais songé à les traiter de pirates ?

— Miles, je me suis trompé. — Vous êtes un bon marin, mais vous étiez né pour être avocat. Donnez-moi la main, mon garçon ; vous avez fait briller une lueur d’espoir à mes yeux : c’est assez pour m’aider à vivre.

Marbre me dit alors en substance la conversation qu’il avait eue avec le capitaine Le Compte ; celui-ci avait manifesté tout à coup