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— Qui diable êtes-vous ? demanda Marbre en redoublant ses coups, ouvrez vite ou je vous jette par-dessus le bord.

Monsieur, vous êtes prisonnier ; comprenez-vous, prisonnier[1] ?

— Ce sont des Français, commandant, m’écriai-je, et nous sommes au pouvoir de l’ennemi.

C’était à ne pas en croire nos oreilles. — Après quelques minutes de pourparler, un arrangement fut conclu, d’après lequel on me permettait de monter sur le pont pour reconnaître le véritable état des choses, tandis que Marbre et le reste de l’équipage resteraient confinés où ils étaient. La trêve conclue, une porte s’ouvrit et me donna passage.

Quand je jetai les yeux autour de moi, la stupeur me priva un instant de l’usage de la parole. Cinquante hommes armés, tous Français, à en juger par leur air et leur langage, se pressaient autour de moi, non moins curieux de me voir que je ne l’étais de les observer. Au milieu d’eux était Harris, qui s’approcha de moi d’un air triste et embarrassé.

— Je sais que je mérite la mort, monsieur Wallingford, me dit cet homme en commençant. Après tant de fatigues, et tout paraissant si tranquille, je n’ai pu résister au sommeil ; et quand je me suis réveillé, j’ai trouvé ces gens à bord et en possession du bâtiment.

— Mais d’où viennent-ils, au nom du ciel ! Est-ce qu’il y a un bâtiment français près de cette île ?

— D’après ce que j’ai pu voir et entendre, c’est l’équipage de quelque bâtiment naufragé, porteur de lettres de marque. Trouvant une bonne occasion de quitter l’île et de faire une riche prise, ils ont mis la main sur la pauvre Crisis. Que Dieu la protège ! quoiqu’elle soit maintenant sous le pavillon français.

Je levai les yeux, et en effet je vis flotter dans les airs le pavillon tricolore !

  1. Les mots en italique sont en français dans l’original.