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les circonstances le permettraient. Le capitaine Williams avait pour les découvertes un faible très-louable et très-respectable peut-être, mais qui ne s’accordait guère avec la prudence qu’exige la destination spéciale d’un bâtiment marchand. Nous ne fûmes donc pas surpris de sa proposition, et, en dépit du danger, la curiosité vint se joindre aux autres motifs qui pouvaient nous y faire acquiescer. Quant aux dangers de la navigation, ils semblaient diminuer à mesure que nous avancions ; nous avions peu d’îles devant nous, et le passage même s’élargissait sensiblement. Nous nous dirigeâmes cependant un peu plus au sud, en portant toujours au plus près du vent.

La matinée semblait nous promettre un temps plus serein que celui que nous avions depuis plusieurs jours, et la lune même nous était favorable. À l’approche de l’aurore, le vent commença à tourner à l’est, et nous hissâmes les trois huniers avec tous les ris pris, ainsi que la voile de misaine, et nous mîmes un nouveau grand foc au petit mât de hune. Le jour parut enfin, et nous vîmes le soleil lutter contre de sombres masses de nuages qui se pressaient sur nos têtes. Pour la première fois, depuis notre arrivée dans ces parages resserrés, nous pûmes alors bien reconnaître ce qui nous entourait ; la terre apparaissait de tous les côtés.

La passe dans laquelle la Crisis était engagée, quand le soleil vint éclairer la seconde de ces périlleuses journées, avait quelques lieues de largeur, et était bornée, surtout au nord, par des montagnes aussi hautes qu’escarpées dont plusieurs étaient couvertes de neige. La voie était dégagée de tout obstacle, car on ne voyait aucune apparence d’île, d’îlot ou de rocher ; nous fûmes donc encouragés à continuer notre marche. Notre route était environ au sud sud-ouest, et le capitaine annonça que nous entrerions dans l’Océan à l’ouest du détroit de Lemaire et tout près du cap même. Nous devions indubitablement faire une grande découverte ! Le vent continuait à tourner, et bientôt il fut par l’arrière de notre travers. Nous larguâmes alors nos ris les uns après les autres, et à neuf heures les huniers étaient établis sur le navire. C’était porter beaucoup de voiles, il faut l’avouer, mais le capitaine pensait qu’il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Il y eut quelques heures où je crois que le bâtiment fila quinze nœuds le long de la côte, tant il était favorisé par le courant. Nous ne connaissions guère les dangers contre lesquels nous avions à lutter.

La journée était encore peu avancée, quand nous vîmes la terre en face de nous, et Marbre déclara que cette fois nous avions « filé tout