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la direction de son père, tandis que je consacrais la plus grande partie de mon temps à des exercices gymnastiques.

La Grace et Lucie fit une ou deux croisières assez longues sur le fleuve, et enfin je conçus l’idée de conduire toute la société à New-York à bord du Wallingford ; ma sœur ni son amie ne connaissaient New-York, ni n’avaient même jamais vu un vaisseau. Les sloops qui sillonnaient l’Hudson, quelquefois une goélette, étaient pour elle toute la marine, et je commençais à me reprocher de laisser dans une si profonde ignorance des personnes à qui je prenais un si vif intérêt. Elles convinrent aussi que depuis que j’étais marin, leur désir de voir un trois-mâts avec tous ses agrès était augmenté au centuple.

M. Hardinge regarda d’abord ma proposition comme une plaisanterie, mais Grace mourait d’envie de voir une grande ville, et toutes les fois que la conversation venait sur ce chapitre, Lucie semblait pensive, quoiqu’elle gardât le silence, dans la crainte d’entraîner son père dans une trop grande dépense, si bien que le bon ministre finit par donner son consentement. Voici les arrangements qui furent pris pour que la dépense ne fût pas trop forte : le voyage, aller et retour, devait être fait à bord du Wallingford ; les scrupules de M. Hardinge n’allaient pas jusqu’à refuser le passage pour lui et ses enfants sur le sloop qui ne prenait jamais rien aux personnes qui allaient à la ferme ou qui en revenaient. Quant à la nourriture, on y avait droit à Clawbonny ; il importait peu qu’elle fût prise à bord du sloop ou à la maison. Ensuite il y avait à New-York une mistress Bradfort, veuve jouissant d’une honnête aisance, qui était sa cousine germaine, et c’était toujours chez elle qu’il logeait, lorsqu’il se rendait à l’assemblée annuelle de l’église épiscopale protestante, comme il est de rigueur de dire aujourd’hui ; — je m’étonne que quelque ultra n’ait pas encore imaginé d’introduire dans le Symbole des Apôtres cette formule : Je crois à la sainte Église catholique épiscopale protestante, etc.

La bonne veuve l’avait pressé plusieurs fois d’amener avec lui Grace et Lucie, sa maison de Wall-Street étant assez grande pour recevoir des hôtes beaucoup plus nombreux. — Oui, dit M. Hardinge, voilà comment il faudra nous arranger. Je logerai avec mes deux filles chez mistress Bradfort, et les jeunes gens iront se loger à la taverne. Il faut espérer que le nouvel Hôtel de la Cité, qui semble assez grand pour loger un régiment, pourra bien les contenir. J’écrirai ce soir même à ma cousine pour ne pas la prendre à l’improviste.

La réponse de mistress Bradfort ne se fit pas attendre ; et le lendemain même du jour où on la reçut, toute la maison, compris Neb,