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manière dont le bâtiment s’était perdu, et ils parurent satisfaits de mes réponses. Je montrai alors mes pièces d’or, et je demandai à emprunter quelque argent en les laissant en dépôt. Cette partie de ma proposition fut repoussée, et l’on me remit un bon de cent dollars, en me disant que je le rembourserais quand il me plairait. Sachant que j’avais Clawbonny et un très-joli revenu pour en répondre, j’acceptai sans difficulté et je me retirai.

Rupert et moi, nous avions alors le moyen de nous équiper convenablement, mais tout en conservant le costume de marin. Nous nous rendîmes ensuite au bassin d’Albany pour savoir si le Wallingford y était ou non. On nous dit que le sloop venait de partir à l’instant même, ayant à bord un nègre avec les effets de son jeune maître ; un pauvre diable qui était parti pour Canton avec le jeune M. Wallingford, et qui retournait dans l’Ulster pour raconter les tristes événements à la famille.

Nous nous étions flattés d’arriver à Clawbonny avant l’annonce de notre mort. Cette nouvelle nous laissait peu d’espoir. Par bonheur, un paquebot de l’Hudson, un des meilleurs voiliers du fleuve, était sur le point de mettre à la voile, et quoique le vent tînt bon au nord, le patron promit de remonter avec la marée jusqu’à notre crique en moins de quarante-huit heures. C’était tout ce que le Wallingford pouvait faire. Nous mîmes notre petit bagage sur le paquebot, et une demi-heure après nous voguions à pleines voiles.

Mon anxiété était si vive que je ne pus me décider à quitter le pont jusqu’au moment où il fallut jeter l’ancre à cause de la marée. Dès qu’il avait fait nuit, Rupert avait été tranquillement dormir. Je me décidai enfin à suivre son exemple. Le lendemain matin, en remontant, je trouvai le bâtiment dans la baie de Newburgh avec un vent favorable. Vers midi, je distinguai l’embouchure de la crique et le Wallingford qui y entrait ; mais au même instant ses voiles disparurent derrière les arbres.

En abordant un demi-mille au-dessus de la crique, il y avait un chemin de traverse qui conduisait si directement à la maison, qu’en le prenant, je pouvais espérer encore d’arriver en même temps que Neb. J’indiquai l’endroit au capitaine qui nous avait extorqué notre secret et qui se prêta de très-bonne grâce à notre désir. Je crois qu’il serait entré dans la crique même, si nous le lui avions demandé. Dès que nous fûmes à terre avec le sac contenant notre garde-robe, — un seul avait suffi amplement pour nous deux et nous le portions alternativement, — nous partîmes de toute la vitesse de nos jambes. Rupert lui-même semblait voler ; il comprenait enfin toute la peine qu’il