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spect que le pauvre podestat de Porto-Ferrajo, signor vice-gouverneur, qu’il se montre et qu’il le prouve. Je ne me regarde pas comme l’homme le plus oisif et le plus ignorant des domaines du grand-duc. Il peut s’en trouver de plus savants, parmi lesquels je compte Votre Excellence, mais il n’a pas un sujet plus loyal, ni un ami plus zélé de la vérité.

— Je le crois, voisin Viti, répondit Barrofaldi en souriant d’un air de bonté, et j’ai toujours fait grand cas de vos avis et de vos services. Je voudrais pourtant savoir quelque chose de ce sir Cicéron dont le capitaine Smit nous a parlé ; car, pour vous dire la vérité, j’ai oublié ma sieste pour chercher dans mes livres quelque mention de cet auteur.

— Et n’y avez-vous pas trouvé la confirmation de tout ce qu’il vous en a dit ?

— Bien loin de là, je n’y ai pas même trouvé son nom. Il est vrai que plusieurs orateurs distingués de cette nation sont appelés des Cicérons anglais ; mais c’est une manière d’en faire l’éloge, et tous les autres peuples en font autant.

— Je n’en sais trop rien, Signor, je n’en sais trop rien. Cela peut être vrai de notre Italie ! mais croyez-vous qu’il en soit de même de nations aussi éloignées, et naguère encore aussi barbares que l’Angleterre, l’Allemagne et la France ?

— Voisin Viti, répliqua le gouverneur, souriant encore, mais joignant à son air de bonté quelque pitié pour l’ignorance et les préjugés de son compagnon, vous oubliez que nous avons pris nous-mêmes la peine de civiliser ces peuples, il y a mille ans, et ils n’ont pas marché à reculons depuis ce temps. — Mais il ne peut y avoir aucun doute que le Ving-y-Ving n’ait dessein d’entrer une seconde fois dans notre baie ; et je vois le signor Smit nous regarder avec sa longue-vue, comme s’il voulait avoir une autre entrevue avec nous.

— il me semble, vice-gouverneur, que ce serait commettre un péché presque aussi grand qu’une hérésie que de nourrir des soupçons contre des gens qui nous montrent une confiance si entière. Nul bâtiment républicain n’oserait jeter l’ancre deux fois dans la baie de Porto-Ferrajo. Une première fois, cela pourrait être, mais une seconde ! — Jamais, jamais !

— Vous pouvez avoir raison, Vito Viti, et bien certainement je le désire. — Voulez-vous bien descendre sur le port, et veiller à ce qu’on accomplisse toutes les formalités d’usage. — Recueillez toutes les informations utiles qu’il vous sera possible.

La foule était déjà en mouvement pour descendre de la hauteur,