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la Proserpine, frégate qu’Ithuel connaissait si bien, — montra son numéro ; car celui-ci était plus en état que son capitaine d’ourdir convenablement une ruse. Il répondit très-promptement aux signaux, quoiqu’il n’eût pu dire lui-même quelle réponse il y faisait, car il fit hisser au hasard quelques pavillons, en ayant grand soin qu’ils s’engageassent ensemble de manière à ne pouvoir être déchiffrés, tandis qu’ils avaient l’air d’être hissés avec empressement et sans crainte.


CHAPITRE VI.


« Sont-ils tous prêts ? — Tous. — Bien plus, ils sont embarqués. Le dernier canot n’attend plus que mon chef. — Mon sabre et ma capote ! »
Lord Byron. — Le Corsaire



Il était impossible de savoir quel succès avait eu la ruse d’Ithuel en ce qui concernait la frégate ; mais la bonne intelligence qui avait l’air de régner entre les deux bâtiments, tendit à écarter de l’esprit des habitants de Porto-Ferrajo toute méfiance du lougre. Il semblait si peu probable qu’un corsaire français répondît aux signaux d’une frégate anglaise, que Vito Viti lui-même fut obligé d’avouer au vice-gouverneur, à demi-voix, que cette circonstance du moins était beaucoup en faveur de la véracité du capitaine du lougre. L’air calme de Raoul comptait aussi pour quelque chose, d’autant plus qu’il restait sur le promontoire, paraissant regarder avec insouciance la frégate qui s’approchait rapidement.

— Vous voyez, signor Smit, que nous n’aurons pas besoin d’accepter vos offres obligeantes, dit Andréa, comme il allait rentrer dans sa maison avec deux ou trois de ses conseillers ; mais nous ne vous en remercions pas moins. C’est un bonheur d’être honorés le même jour de la visite de deux croiseurs de votre nation, et j’espère que vous me ferez le plaisir d’accompagner le capitaine votre confrère, quand il viendra me rendre la visite d’usage, car il paraît avoir sérieusement l’intention de nous faire l’honneur d’entrer dans notre port. — Pourriez-vous conjecturer quel est le nom de cette frégate ?

— À présent que je la vois d’un peu plus près, Signor, répondit Raoul nonchalamment, je suis porté à croire que c’est la Proserpine ; car cette frégate a été construite en France, et c’est ce qui m’a fait croire que ce bâtiment était français quand il a hissé le pavillon de cette nation.