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commença à marcher à raison de quatre à cinq nœuds par heure. Du moment qu’on s’aperçut à bord que la frégate obéissait au gouvernail, comme si l’on n’eût attendu que cette assurance, on changea de route, et l’on fit de la voile. Mettant la barre à tribord, le bâtiment vint au plus près du vent, portant le cap droit sur le promontoire ; les voiles basses furent amurées à joindre, et bien bordées, et les voiles hautes et légères furent établies. Presque au même instant, car tout semblait se faire en même temps et comme par instinct, le pavillon français fut amené, un autre fut hissé en sa place, et un coup de canon fut tiré sous le vent, — signal d’amitié. — Tandis que ce second emblème de nationalité s’ouvrait et se déployait au vent, les longues-vues firent reconnaître le champ blanc et la croix de Saint-George du noble et vieux pavillon d’Angleterre.

Une exclamation de surprise et de plaisir échappa aux spectateurs assemblés sur le promontoire, en se voyant délivrés de leurs craintes et de leurs inquiétudes par une sorte d’effet dramatique. Personne, en ce moment, ne songea plus à Raoul. Quant à lui, cette affaire ne lui inspirait d’autre nouvel intérêt que celui causé par l’intention que paraissait avoir la frégate d’entrer dans la baie. Comme du pont de ce bâtiment on avait en pleine vue le Feu Follet, il se demanda si la vue d’un lougre armé ne pouvait être la véritable cause du soudain changement de route de la frégate. Cependant, se trouvant à l’ancre dans un port ennemi de la France, il se dit qu’il y avait quelque probabilité qu’il pût échapper sans un examen sévère et approfondi.

— Je vous félicite de cette visite d’un compatriote, signor Smit, s’écria Andréa Barrofaldi, homme naturellement très-pacifique, et qui se trouvait trop content de la perspective de passer tranquillement la journée, pour se livrer alors à aucun sentiment de méfiance, et je ne manquerai pas, dans le compte que je rendrai à Florence de cette affaire, de vous faire honneur de la bonne volonté que vous avez montrée en cette occasion pour nous aider, si cela fût devenu nécessaire.

— Signor vice-gouverneur, répondit Raoul, cherchant à peine à cacher le sourire qui se montrait malgré lui sur ses lèvres, ne vous donnez pas la peine de mentionner mes humbles offres de services ; songez plutôt à ces braves artilleurs qui regrettent certainement d’avoir perdu une occasion de se distinguer. — Mais je vois la frégate faire des signaux qui doivent être pour nous. J’espère que mon lieutenant saura comment y répondre en mon absence.

Il fut peut-être heureux pour le Feu-Follet que son commandant ne fût pas à bord quand le bâtiment étranger — qui était réellement