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la cage dans laquelle il a été enfermé plusieurs années, et si ce n’est pas la maudite Proserpine, je ne sais pas distinguer une misaine d’un artimon.

La Proserpine ! répéta Raoul, qui connaissait les aventures de son compagnon, et qui, par conséquent, n’avait pas besoin de lui demander une explication. — si vous ne vous trompez pas, il faut que le Feu-Follet cache son fanal. — Ce n’est qu’un bâtiment de 40, si j’en compte bien les sabords.

— Je n’ai que faire de compter ni les sabords ni les canons. C’est la Proserpine, frégate de 36, capitaine Cutt, quoiqu’on eût mieux fait de le nommer le capitaine Verges. — Oui, c’est la Proserpine, que le ciel la bénisse ! Le seul mal que je lui veux ce serait qu’elle fût au fin fond de la mer.

— Bah ! — Ce bâtiment porte quarante-quatre pièces de canon. — Je puis les compter à présent, et j’en trouve vingt-deux d’un côté.

— C’est cela même. — Une frégate de 36 sur la liste, et de 44 par compte. — 26 longs canons de 18 dans la batterie basse, — 12 caronades de 32 sur son gaillard d’arrière, et 4 autres caronades avec deux canons de chasse sur l’avant. Il ne lui faudrait qu’une seule bordée pour éteindre votre Feu-Follet, monsieur Roule ; car que sont 10 caronades de 12 et soixante-dix hommes contre une telle frégate ?

— Je ne suis pas assez fou, Itouel, pour songer à combattre une frégate, ni même une corvette portant des pièces de fort calibre, avec les forces que vous venez de mentionner ; mais j’ai passé trop longtemps sur la mer pour prendre l’alarme avant d’être bien sur du danger. La Railleuse est un bâtiment exactement semblable à celui-ci.

— Écoutez la raison, monsieur Roule, s’écria Ithuel avec force ; — ni la Railleuse, ni aucune frégate française, ne montrerait son pavillon dans un port ennemi, car ce serait faire connaître ses desseins. Mais un bâtiment anglais pourrait hisser le pavillon français, parce qu’il est toujours en son pouvoir d’en hisser ensuite un autre, et il peut gagner quelque chose par cette ruse. La Proserpine est un bâtiment de construction française, et elle a des jambes françaises, avec ou sans bottes. — À ces mots, Ithuel ne put retenir une envie de rire, mais il reprit son sérieux en ajoutant : — Et j’ai entendu dire qu’elle avait été construite sur le modèle de la Gracieuse. Voilà qui explique sa forme et son port ; quant à ses voiles, ses haubans et ses sabords, tout son gréement est enregistré sur mon dos en caractères qu’aucune éponge ne pourra jamais effacer.