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pour se coucher, et le magistrat en fit autant, laissant le lougre tranquillement à l’ancre à l’endroit où il s’est déjà offert à l’attention de nos lecteurs. Si Raoul Yvard et Ghita eurent une autre entrevue, elle fut si secrète, qu’elle échappa à toutes les observations, et par conséquent nous ne pourrons en parler.

Une matinée du milieu de l’été sur la Méditerranée est un de ces moments calmes et tranquilles, aussi agréables pour l’esprit que pour le corps. On jouit partout de cette clarté douce et progressive qui précède le lever du soleil, des teintes changeantes du firmament, d’un éclat doux comme celui de la perle, qui semble vouloir nous faire aimer les ouvrages de la main de Dieu, — et des rayons brillants du soleil : mais ce n’est point partout que se présentent ces changements séduisants sur une mer dont l’azur le dispute à celui des profondeurs les plus reculées du vide et de l’espace, sous un climat aussi enchanteur que les scènes qu’il embellit, et parmi des montagnes dont les coteaux réfléchissent toutes les nuances de la lumière avec la vérité et la poésie de la nature. Ce fut une matinée semblable qui suivit la nuit dont le commencement a été celui de notre histoire, et elle ramena le mouvement sur le port et dans la ville. L’Italie, en général, est remarquable par un air de repos tranquille qu’on ne trouve guère dans les scènes plus bruyantes du commerce intéressé de l’Amérique, ni même dans celles qu’offrent la plupart des nations du nord de l’Europe. Il y a dans son aspect, dans son mode de vie, et même dans ses habitudes commerciales, un air de noblesse déchue qui manque aux ports, aux boutiques et aux marchés des parties les plus vulgaires du monde, comme si, après avoir été si longtemps le foyer de la civilisation humaine, elle sentait qu’il ne lui convient pas, même dans ces derniers temps, de se dépouiller de toutes les traces de son histoire et de sa puissance. L’homme et le climat semblent y être à l’unisson, et l’on y supporte les soucis de la vie avec un air de far-niente qui s’accorde parfaitement avec l’atmosphère dans laquelle on respire.

À l’instant où le jour paraissait, la chute d’une pièce de bois sur le pont du Feu-Follet donna le premier indice que quelqu’un était éveillé sur ce pont. Si l’on avait établi un quart à bord de ce bâtiment pendant la nuit, ce qui ne paraît guère douteux, il avait eu lieu avec tant de silence et de tranquillité, qu’aucun des yeux qui avaient été fixés sur lui jusque longtemps après minuit n’avait pu s’en apercevoir. En ce moment pourtant tout y était en mouvement, et environ cinq minutes après la chute du morceau de bois, échappé des mains du cuisinier qui allait allumer le feu de sa cuisine, on voyait au-des-