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notre souverain l’avait reconnu. Cependant, depuis le dernier traité d’alliance, il est de notre devoir de regarder tous les Français comme nos ennemis, quoiqu’il ne s’ensuive pas que nous devions les considérer comme des pirates.

— Mais leurs corsaires prennent tous nos bâtiments, Signor, et ils en traitent tous les équipages comme si ce n’étaient que des chiens. Ensuite j’entends dire qu’ils ne sont pas chrétiens. Non, pas même luthériens ou hérétiques.

— Que la religion ne soit pas très florissante parmi eux, c’est la vérité, répondit Andréa, qui aimait tant à discourir sur de pareils sujets, qu’il se serait arrêté pour raisonner sur la religion et les mœurs avec un mendiant qui lui aurait demandé la charité, s’il avait trouvé en lui quelque encouragement ; mais sur ce sujet important, les choses ne vont plus si mal en France qu’elles ont été, et il y a lieu d’espérer qu’elles iront encore mieux avec le temps.

— Mais, signor vice-gouverneur, dit Tonti, les Français ont traité le saint père et ses états comme personne ne voudrait traiter un infidèle ou un Turc.

— Cela est bien vrai, dit Benedetta ; une pauvre femme ne peut aller à la messe sans que son esprit soit troublé par l’idée des insultes qui ont été faites au chef de l’église. Si tout cela avait été fait par des luthériens, on pourrait le supporter, mais on dit que les Français étaient autrefois de bons catholiques.

— Les luthériens l’étaient de même, belle Benedetta, ainsi que le moine allemand, chef de ces schismatiques.

Ce discours surprit tout le monde, même le podestat, qui regarda le vice-gouverneur de manière à lui exprimer son étonnement qu’un protestant eût jamais pu être autre chose qu’un protestant, ou pour mieux dire un luthérien autre chose qu’un luthérien, le mot protestant n’étant pas en faveur parmi ceux qui nient qu’il y eût lieu à protestation. Que Luther eût jamais été catholique romain, c’était une véritable nouvelle pour Vito Viti.

— Signor, s’écria-t-il, vous ne voudriez pas donner de fausses idées à ces bonnes gens dans une matière si grave !

— Je ne vous dis que la vérité, voisin Viti, et un de ces jours je vous conterai toute l’histoire. Elle mérite bien qu’on lui donne une heure de loisir, et elle est consolante et utile pour un chrétien. Mais qui avez-vous donc en bas, Benedetta ? J’entends monter sur l’escalier, et je ne voudrais pas être vu.

La veuve courut vers la porte pour aller au-devant de ses nouveaux hôtes et les conduire dans une autre chambre ; mais il n’était plus