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commandé par un de ses parents, dans la baie de Naples. Mais il l’ignorait, et il n’apprit sa mort que quelques jours après, quand il était déjà enterré.

— Prenez cette longue-vue, Yelverton, continua le capitaine, et examinez le lougre avec soin. Je ne le vois plus que comme dans un brouillard. Il faut qu’il s’éloigne de nous rapidement. — Tâchez surtout de voir s’il cherche à s’échapper du côté de l’ouest.

— Il aurait peine à le faire sans changer son écoute de misaine de bord. — Mais du diable si je puis l’apercevoir, capitaine. — Ah ! le voici ! En droite ligne devant nous, comme auparavant, mais aussi peu distinct qu’un esprit. À peine puis-je entrevoir sa voilure ; cependant il me semble porter encore ses ailes, et l’on pourrait le prendre pour le spectre d’un bâtiment. — Ah ! cette embardée vient encore de me le faire perdre de vue. — Essayez encore une fois, capitaine Cuff. Je fais tout ce que je puis, mais il m’est impossible de le retrouver.

Cuff reprit la longue-vue, mais sans avoir plus de succès. Il crut une fois le voir, mais quelques instants d’examen lui démontrèrent que c’était une méprise. Il avait eu si longtemps les yeux fixés sur le même objet, qu’il n’était pas étonnant que son imagination l’eût rendu le jouet d’une illusion ; en le portant à se figurer qu’il voyait obscurément les contours du petit lougre ayant ses deux voiles en ciseaux, courant vent arrière avec la rapidité d’un nuage chassé par un vent impétueux. Pendant le reste de la nuit, il ne fit que rêver du lougre, et durant peut-être cinq minutes, ses pensées errantes lui peignirent le Feu-Follet capturé, et recevant sur son bord un équipage anglais.

Avant de se retirer, il fit faire des signaux aux deux autres bâtiments pour leur donner ordre de changer de route, afin qu’ils pussent surveiller le lougre, s’il venait à en changer aussi. Il envoya la corvette à l’ouest, et la Terpsichore un peu plus à l’est, et se hasarda lui-même à faire gouverner vers le sud-ouest. Mais une heure avant le jour, le vent changea tout à coup et devint très-violent : c’était le sirocco qui avait été annoncé, et auquel on s’attendait, et il mit incontestablement le Feu-Follet au vent. Ce vent du sud montra sa force dès qu’il commença à souffler, et s’il ne devint pas un ouragan avant l’après-midi du lendemain, il amena de temps en temps de violentes rafales après la première heure.

Lorsque le lougre disparut, les trois bâtiments anglais étaient hors de vue les uns des autres. La Proserpine, que nous accompagnerons comme notre ancienne connaissance et comme ayant un rôle à jouer