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chasse. Le vent ne tarda pas à fraîchir, et il souffla bientôt avec une force qui poussait en avant les bâtiments anglais, sous toutes leurs voiles, bonnettes dehors et les voiles d’étai, — ces dernières étant alors en grand usage, — de manière à filer au moins dix nœuds par heure. — Cependant aucun d’eux ne gagnait une brasse sur le Feu-Follet. Cette allure ne lui était nullement favorable, car il avait le vent par la hanche, et pourtant il gagnait de l’espace au lieu d’en perdre. Les quatre bâtiments avançaient rapidement au sud, et ils se trouvèrent bientôt sous le vent de la felouque, qui avait diminué de voiles et s’était dirigée vers l’est dès qu’Ithuel avait été convaincu qu’il ne serait pas poursuivi. Au bout de quelque temps, le Saint-Michel vira vent devant, et sortit de la baie en traversant les eaux de la Terpsichore, juste hors de la portée du canon. On vit cette manœuvre à bord de la frégate, et le ci-devant patron de la felouque s’arracha les cheveux, se roula sur le pont du bâtiment et fit mille autres extravagances pour exciter la compassion. Mais, peu touché de son désespoir, le lieutenant refusa obstinément de changer de route pour chasser une misérable felouque, quand il avait en vue devant lui un objet aussi glorieux à poursuivre que le célèbre lougre de Raoul Yvard. Ithuel passa donc au large sans empêchement, et autant dire ici qu’en temps convenable il arriva à Marseille sans accident, qu’il y vendit la felouque et sa cargaison, et qu’au bout d’un certain temps il en disparut. Nous trouverons occasion de parler encore une fois de lui avant de terminer cette histoire.

Cette lutte de vitesse dut bientôt convaincre Pintard qu’il avait peu de chose à craindre des bâtiments qui le poursuivaient ; il est vrai que les circonstances favorisèrent le lougre. Le vent tourna vers le nord, et, avant le coucher du soleil, il permit au Feu-Follet de voguer wing and wing, c’est-à-dire avec ses voiles en ciseaux, et de s’éloigner encore davantage de la terre. Le vent avait alors fraîchi au point d’obliger les bâtiments anglais à rentrer une partie des voiles légères. Quelque temps avant la nuit, ils n’avaient plus que le grand perroquet, les bonnettes de hune et les bonnettes basses des deux bords. Le Feu-Follet ne changea rien à sa voilure. Il avait encore son tape-cul en faisant vent arrière, et il filait sous ses deux énormes voiles, se fiant à leur bonté. La nuit n’était pas très-sombre, mais il avait l’espoir d’être hors de la vue de ses ennemis, même avant qu’on piquât huit coups, s’il y avait toujours la même différence dans leur vitesse respective.

Il est passé en proverbe qu’une chasse vent arrière est une longue chasse. Quand un bâtiment bon voilier en devance un autre d’un