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La saison était alors assez avancée pour laisser quelque incertitude sur l’ancienne stabilité des brises. Le zéphyr était arrivé de bonne heure, et avait eu de la force ; mais le baromètre et l’atmosphère semblaient annoncer un sirocco, ou un vent du sud-est, ce qui inspirait aux trois équipages le plus violent désir de s’assurer de leur prise avant qu’il survînt un changement de vent. Or, trois bâtiments bons voiliers maintenaient la chasse, personne ne doutait du résultat, et le capitaine Cuff se promenait sur le gaillard d’arrière de la Proserpine en se frottant les mains de joie, dans la ferme persuasion que tout lui était propice.

Il fit le signal au Ringdove de s’élever au vent, afin de se tenir au large le plus possible et de mettre le lougre dans l’impossibilité d’échapper, ce qu’il aurait fort bien pu effectuer s’il avait pu gagner une fois au vent de manière à éviter de se trouver par le travers des chasseurs. La Terpsichore reçut ordre de s’enfoncer dans la baie pour veiller à ce qu’une tentative semblable ne pût avoir lieu de ce côté, et la Proserpine continua sa route de manière à couper celle du Feu-Follet, s’il continuait à gouverner dans la même direction.

Il ne fut pas difficile aux Français d’établir toutes leurs voiles, la voilure haute d’un lougre étant fort simple. Cette manœuvre fut bientôt faite, et Pintard en attendit le résultat avec le plus vif intérêt, sachant que tout dépendait de la vitesse de son bâtiment, et ignorant quel effet cette voilure pourrait produire sur l’allure de son beau lougre. Heureusement l’on vit bientôt qu’il était probable que le Feu-Follet se comporterait bien. Déjà il était assez avancé au sud-ouest pour pouvoir doubler la pointe de Piane, et il fendait l’eau avec une vitesse qui devait bientôt le mettre à une bonne distance du bâtiment qui le poursuivait. Désirant pourtant gagner le large afin de pouvoir, pendant la nuit, changer de route dans diverses directions, Pintard continua à lofer, quand le vent le lui permettait, de manière à s’écarter sensiblement de la terre.

Le lougre et la felouque ayant commencé leur fuite à un bon mille au sud des bâtiments anglais, la position des rochers leur donnait une avance qui leur laissait bien peu de chose à craindre des canons de leurs ennemis au commencement de la chasse. La route que suivait Ithuel l’en mit bientôt tout à fait hors de portée, et Cuff savait qu’il avait peu à gagner et beaucoup à perdre en faisant une pareille tentative contre le lougre. On ne tira donc pas un seul coup de canon, et le résultat de la chasse fut confié aux voiles et à l’allure respective des deux bâtiments.

Telle était la situation des choses au commencement de cette