Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur courage et leur animosité. Raoul, en ce moment, jeta un coup d’œil sur la felouque, un peu surpris de ne pas entendre le feu de ses caronades ; mais voyant la décharge de mousqueterie, il n’y pensa plus.

Dans une affaire de ce genre, la première décharge d’artillerie est ordinairement la plus meurtrière. En cette occasion, le premier feu produisit un effet assez sérieux ; et les Anglais, étant plus à découvert que leurs ennemis, souffrirent proportionnellement davantage. Winchester eut quatre hommes de blessés ; Griffin deux, et sept ou huit le furent sur les autres canots. Un des canotiers du gig de sir Frédéric eut le cœur traversé par une balle, ce qui obligea cet officier à s’approcher de son second canot pour y prendre un homme vivant en échange du mort.

Sur l’îlot aux ruines, Raoul ne perdit qu’un seul homme : un boulet ayant frappé une grosse pierre, la fit sauter en éclats, et renversa un des meilleurs marins du lougre qui s’avançait pour nettoyer un canon.

— Pauvre Joseph ! dit Raoul en le voyant tomber. Relevez-le, mes enfants, et portez-le au chirurgien.

— Il est mort, capitaine.

On mit le corps à l’écart, et un autre homme s’avança pour faire la besogne que le défunt n’avait pu terminer. Raoul trouva un instant de loisir pour faire quelques pas en arrière, et s’assurer si Ghita était parfaitement à l’abri du feu. Il reconnut qu’elle ne pouvait être mieux placée, et il la vit à genoux, priant avec ferveur ; mais, s’il avait pu lire dans son cœur, il aurait vu que ce cœur était partagé entre les prières qu’elle adressait à Dieu et son amour pour lui-même.

Le lougre ne fit aucune perte. O’Leavy avait tiré trop haut, et sa mitraille n’avait pas laissé une marque sur ses mâts ni fait un trou dans sa voilure. La fortune semblait l’accompagner comme de coutume, et son équipage combattit avec le même zèle et plus de confiance que jamais. La felouque n’avait pas eu le même bonheur : c’était là que le feu des Anglais avait fait le plus de ravage. Mac Bean avait été chargé de cette partie de l’attaque, et il y avait mis tout le calcul et toute la dextérité d’un Écossais. Sa mitraille avait balayé le pont de ce bâtiment, et avait plus que décimé le faible équipage d’Ithuel, car il avait eu un homme tué et trois blessés.

Le feu, une fois commencé, fut entretenu sans relâche, et l’on fit de nouvelles pertes de part et d’autre. Les canots se hâtaient d’avancer, les Anglais poussaient force acclamations, et la mer se couvrait d’un nuage de fumée.

Dans des moments semblables, le parti le plus sûr pour les assail-