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la boisson l’a empêché d’obtenir de l’avancement ; mais il m’a promis de s’en corriger, et j’espère qu’il tiendra parole. Je vous prie de le mettre en avant aujourd’hui, afin de lui donner une chance. Il a tout ce qu’il faut pour prouver qu’il est bon marin ; tout ce qui lui manque, c’est l’occasion.

— Je me flatte, Cuff, répondit sir Frédéric avec son ton d’insouciance, que personne ne manquera d’occasion aujourd’hui, car j’ai dessein de les faire donner tous ensemble, comme une même qui arrive tout entière à la mort du cerf. J’ai vu les chiens de lord Elcho, à la fin d’une longue chasse, rassemblés si près les uns des autres, qu’on aurait pu les couvrir tous avec une de nos basses voiles, et j’entends qu’il en soit de même aujourd’hui de nos canots. — Soit dit en passant, Cuff, cette comparaison figurerait bien dans une dépêche, et ferait sourire Bronté. — Ne le pensez-vous pas ?

— Au diable vos chiens, vos comparaisons et vos dépèches ! Remportez d’abord la victoire, et vous ferez de la poésie ensuite. Bronté, comme vous appelez Nelson, a dans son essence des éclairs aussi bien que du tonnerre, et il n’y a pas un amiral anglais qui se soucie moins de la noblesse et du rang. Le moyen de le faire sourire, c’est de gagner une victoire. — Mais à propos, Dashwood, ménagez nos hommes ; vous savez que nous en sommes à court, et je n’ai pas le moyen de faire des pertes comme celles que j’ai éprouvées près de l’île d’Elbe.

— Ne craignez rien, Cuff ; vous ne perdrez pas un seul homme par ma faute.

Chaque capitaine eut quelques mots à dire à ceux de ses officiers qui allaient partir ; mais nous ne rapporterons que ce qui se passa entre le capitaine Lyon et son premier lieutenant Archibald Mac Bean.

— Vous vous souviendrez, Airchy, dit le capitaine, qu’un vaisseau peut se faire une réputation par l’économie aussi bien qu’un homme. Il y a en ce moment dans le bureau de l’amirauté plusieurs de nos compatriotes, et, après le courage et l’esprit d’entreprise, c’est à l’économie qu’ils regardent de plus près. J’ai vu un amiral obtenir un ruban rouge par cette seule qualité, ses livres de compte prouvant que ses vaisseaux et ses escadres coûtaient moins qu’on ne l’avait jamais vu. Vous ferez tous votre devoir pour l’honneur de l’Écosse ; mais il y a dans nos canots une demi-douzaine d’hommes de Leith et de Glascow, braves Écossais, comme nous, et il ne faut pas les laisser se faire tuer sans nécessité. J’ai eu soin d’envoyer sur les canots tout ce qui nous a été envoyé du bâtiment de garde sur la Tamise, et à l’égard de ceux-ci, il n’y a pas grand besoin d’y re-