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tenait Vito Viti en s’opposant aux idées plus belliqueuses du vice gouverneur, pour les réhabiliter aux yeux de tous les habitants de l’île d’Elbe.

Cospetto ! signor Andréa, s’écria-t-il avec toute la chaleur d’une opposition bien prononcée, vos propositions conviendraient mieux dans la bouche d’un jeune homme irréfléchi que dans celle d’un prudent vice-gouverneur. Si nous prenons avec nous des sabres et des mousquets, comme vous paraissez le désirer, le diable peut nous tenter de nous en servir ; et qu’y connaissons-nous, vous et moi ? La plume est une arme qui convient mieux à un magistrat qu’un sabre à tranchant affilé, ou un mousquet, dont l’amorce en brûlant suffirait pour nous suffoquer par l’affreuse odeur de la poudre. Je suis surpris que votre bon sens naturel ne vous ait pas appris tout cela. On manque aux convenances quand on se méprend sur les devoirs qu’on a à remplir. À Dieu ne plaise que je tombe dans une telle erreur ! Une fausse position fait mépriser un homme.

— Vous parlez avec chaleur, Vito Viti, et sans que j’y aie donné sujet. Quant à moi, je pense que tout homme doit être préparé à agir d’après ce que les circonstances peuvent exiger. L’histoire est pleine d’exemples d’hommes de loi, de savants et même d’ecclésiastiques, qui se sont distingués en portant les armes dans des occasions convenables. J’avoue même que j’éprouve une sorte de curiosité philosophique de m’assurer par moi-même du genre de sensation qu’éprouve un homme qui expose sa propre vie en attaquant celle des autres.

— Voilà votre faible dominant, signor Andréa, et l’urgence des circonstances me force à perdre de vue un instant le respect qu’un podestat doit à un vice-gouverneur, pour vous en avertir. La philosophie est un esprit malin qui égare votre jugement. Si vous n’en aviez que la moitié de ce que vous en possédez, le grand-duc ne pourrait se vanter d’avoir un sujet plus sensé que vous. Quant à l’histoire, je ne crois rien de ce qu’on y lit, surtout depuis que les nations du Nord se sont mêlées de l’écrire. L’Italie a eu jadis des historiens, mais où en trouver à présent ? Quant à moi, je n’ai jamais entendu parler d’un homme qui ait porté les armes sans en avoir régulièrement appris le métier, à moins que ce ne fût quelque drôle qui eût eu de bonnes raisons pour désirer de n’être jamais né.

— Je puis particulièrement vous citer des hommes de lettres dont la renommée dans les armes n’est éclipsée que par celle qu’ils doivent aux arts de la paix, voisin Vito ; — Michel-Ange Buonarroti, par exemple, pour ne rien dire des papes, des cardinaux, et des évêques qui ont eu un esprit belliqueux. Mais nous pourrons discuter cette