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tion. Ce fut la cause du délai qui avait donné à Raoul quelques espérances, qui s’évanouissaient en ce moment. Le rang de sir Frédéric finit par l’emporter, et les six canots furent mis sous ses ordres.

Raoul vit qu’il avait encore une heure à lui, et il réfléchit à la hâte au parti qu’il devait prendre. Combattre tant d’ennemis, à bord de la felouque, et pendant un calme, c’était à quoi il ne pouvait songer. Ce bâtiment, petit et presque à fleur d’eau, pouvait le débarrasser de quelques-uns de ses ennemis, mais il serait inévitablement emporté au premier abordage. Il ne restait pas assez de temps pour remettre à bord du lougre le lest et tout ce qui lui était indispensable pour soutenir une attaque ; et privé des moyens de reprendre sa supériorité de vitesse, il n’offrait pas les mêmes avantages pour se défendre que l’îlot aux ruines. Il résolut donc de faire à bord de ses deux bâtiments toutes les dispositions défensives que le temps et les circonstances permettaient, mais de compter principalement sur ce rocher. Dans cette vue, il ordonna à Ithuel de placer la felouque dans un endroit qui lui parut convenable ; chargea son premier lieutenant de mettre le lougre aussi en état qu’il serait possible de profiter des événements ; et choisissant lui-même trente hommes d’élite, il alla établir sa batterie sur l’îlot aux ruines.

Il ne fallut qu’une demi-heure pour amener un changement matériel dans l’état des choses. Ithuel avait réussi à conduire la felouque dans un endroit au milieu des îlots, dont il ne serait pas facile aux canots de s’approcher, et où ses caronades pourraient rendre d’excellents services. On avait reporté à bord du lougre une bonne partie de son lest, et quelques-uns de ses approvisionnements, ce qui suffisait pour l’empêcher de dériver s’il survenait une brise, et Raoul avait fait placer sur le pont deux caronades, afin qu’il pût contribuer à la défense par un feu de flanc. Les manœuvres sont d’autant plus difficiles lorsqu’on est à l’ancre, que l’ennemi peut alors choisir son point d’attaque, et, en laissant sur une même ligne plusieurs bâtiments, faire que les uns interceptent le feu des autres. Pour prévenir ce genre d’attaque, Raoul eut soin de ne pas placer en ligne ses deux batteries flottantes ; et s’il lui fut impossible d’empêcher que chacune d’elles ne fût plus exposée à une attaque sur un point que sur tous les autres, il prit du moins ses mesures pour que la batterie des ruines ou l’un des deux bâtiments pût aider l’autre en cas d’une attaque dirigée contre son point le plus faible.

Quand il eut fait placer ses canons comme il le désirait, et que les deux bâtiments furent amarrés à des rochers, Raoul passa successi-